Cameroun – Cabral Libii : Un acharnement qui révèle l’indifférence tragique de l’opposition

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Depuis plusieurs mois, le Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN) traverse une crise politique profonde, symptomatique d’un mal plus vaste : l’acharnement institutionnalisé contre certains leaders de l’opposition et l’absence chronique de solidarité entre les forces politiques alternatives au régime.

Un bicéphalisme entretenu autour du PCRN
Le PCRN, porté par Cabral Libii depuis la présidentielle de 2018, est aujourd’hui divisé par un bicéphalisme entretenu. Richard Kona, fondateur du parti, revendique être le président légitime du PCRN. Pourtant, la justice camerounaise a clairement tranché en faveur de Cabral Libii.

Mais cette décision n’a pas empêché le ministère de l’Administration territoriale de maintenir sa position, en refusant de reconnaître l’autorité de Cabral Libii. Pire encore, des notes administratives interdisent ses activités politiques sur le territoire national. L’élu a été récemment expulsé de plusieurs localités : Eseka, Kribi, et certaines zones du Nord du pays.

Depuis 2019, Cabral Libii affirme avoir déposé une demande pour la création de son propre parti politique au MINAT. Pourtant, six ans plus tard, il n’a toujours pas obtenu le récépissé nécessaire. Ce blocage administratif illustre un climat politique verrouillé, où la volonté d’un individu ou d’une administration supplante les décisions judiciaires.

Une opposition incapable de compassion politique
Ce qui frappe davantage encore, c’est le silence ou la passivité des autres partis politiques face à cette injustice. L’opposition camerounaise semble être devenue une addition de solitudes concurrentes, incapables de se mobiliser pour une cause commune.

L’exemple du parti UPC-MANIDEM est emblématique. Depuis les années 1990, ce parti n’a jamais été légalisé, malgré plusieurs décisions de justice — y compris de la Cour suprême — en sa faveur. LA cour africaine des droits de l’homme et des peuples a elle aussi donné raison à l’UPC-MANIDEM, sommant le gouvernement camerounais de procéder à sa légalisation. Rien n’a été fait jusqu' ici.

Face à cette injustice flagrante, combien de leaders politiques ont élevé la voix pour soutenir ce parti ? Presque aucun.

Le MRC et l’isolement face à la répression
En 2018 et 2020, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a organisé des manifestations contre le régime de Paul Biya. La réponse du pouvoir a été brutale : répression, arrestations massives, détentions prolongées de militants et sympathisants.

Une fois encore, très peu de partis de l’opposition se sont solidarisés avec le MRC. Loin de profiter de cette épreuve pour construire une plateforme unie, les autres partis ont regardé ailleurs, pensant sans doute qu’il ne s’agissait pas de leur combat.

La stratégie du régime : diviser pour régner
Le pouvoir camerounais semble avoir adopté une stratégie claire : créer ou encourager des crises internes dans les partis politiques afin de les affaiblir. Le bicéphalisme au sein du PCRN, du MANIDEM ou encore de l’UPC n’est pas le fruit du hasard. Il est souvent alimenté par des jeux de reconnaissance sélective par le MINAT, qui choisit à qui donner la légitimité administrative, en dépit des décisions judiciaires.

Et pendant que le régime manœuvre, l’opposition reste désunie, silencieuse ou même complice par inaction.

LIMARA : six ans d’attente, et toujours rien
Le cas de la LIMARA (Ligue des Masses pour la Renaissance Africaine ), est tout aussi parlant. Depuis 2018, ce parti est en attente de son récépissé. Et comme les autres, il est confronté à une administration opaque et arbitraire. Mais là encore, l’opposition reste timorée, incapable de porter ce combat comme un combat collectif.

Vers quelle opposition veut-on aller ?
Tant que chaque parti politique réprimé ou empêché ne pourra compter que sur lui-même, le régime de Paul Biya n’aura aucune raison de changer de posture. L’absence de solidarité est devenue le talon d’Achille de l’opposition camerounaise. Cette absence de solidarité s'exprime dans la contestation du code électoral. Presque toutes les forces politiques contestent ce code, sans pouvoir engager des actions soutenues ensemble.

Aujourd’hui c’est Cabral Libii, hier c’était le MRC, l’UPC-MANIDEM, la LIMARA. Demain, ce sera le tour d’un autre. La question n’est pas de savoir qui sera le prochain, mais jusqu’à quand l’opposition tolérera ce cycle sans réagir collectivement.

De son côté, la LIMARA témoigne sa sympathie à Cabral Libii comme elle a fait hier avec le MRC, et comme elle le fera toujours face à tout acte de répression.

La LIMARA appelle à une prise de conscience historique : la liberté ne se quémande pas en solitaire, elle se conquiert ensemble.