Le carriérisme c’est quoi ?

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Cette expression péjorative popularisée par Charly Gabriel Mbock dans les années 90 est plus que d’actualité au vue du comportement général des agents publics camerounais. Chacun s’accroche à  son poste et à son salaire par le strict minimum d’effort et tant pis pour la qualité ou l’avenir du pays, la formalité est de règle.

Une habitude s’installe de plus en plus chez nos compatriotes, chacun dit vouloir s’occuper de « sa petite famille ». En termes plus simples, le culte de l’individualisme s’installe durablement dans les mentalités. Comme pour dire, le pays peut se brûler, tant que ma petite famille vit, le Cameroun respire. Les oreilles et les yeux sont donc fermés sur tout ce qui se passe autour de soi, une posture d’égoïste en somme. Cette attitude est observable chez tous ceux qui ont un emploi ou plus simplement un salaire, qu’on soit du public ou du privé. Normal me diront certains, avoir du travail c’est très difficile dans le pays qui a pour devise le « Travail »,  il faut tout faire pour le conserver ou l’entretenir. Voyons comment se manifeste ce phénomène chez les différents acteurs de la chaine éducative.

Un enseignant carriériste se contente de faire son cours sans se soucier du niveau de compréhension des élèves, respecte tant bien que mal sa progression séquentielle, évalue ses élèves même parfois à la troisième semaine de la séquence, ne s’occupe pas d’analyser les résultats et de trouver les causes des échecs, fourni ses statistiques avec généralement un RAS (Rien A Signaler) en observation, remet les bulletins ou les copies aux élèves dans l’ordre alphabétique, ne pose jamais des questions aux assemblées, participe aux examens officiels même sans savoir les taux de vacation et la notion de souveraineté du jury, ne va jamais sur internet et utilise les livres au programme pour préparer ses cours, n’achète jamais de livres, ne connais pas l’outil informatique.

Un instituteur carriériste corrige quelques cahiers par jour, n’aime pas lire, ne se plaint jamais à l’école des mauvaises conditions de travail. Un Surveillant Général carriériste arrive comme tout le monde, attend les élèves dans son bureau s’il en a un, établi les billets d’entrée ou de sortie sans investigation, ne fait rien qui puisse le faire détester par les élèves, transmet ses statistiques. Un Censeur carriériste après avoir fini avec l’emploi de temps se contente de recueillir les statistiques séquentielles, en fait la synthèse et transmet à la hiérarchie, participe aux réunions sans jamais parler la qualité de l’éducation et de la pédagogie.

Un Directeur d’école carriériste décharge sans lire ce que lui donne l’Inspecteur, ne  revendique pas ce qui revient de droit à son établissement, montre à ses enseignants qu’il est le meilleur et que tout doit passer par lui, collecte lui-même les frais illégaux d’APEE, ne se plaint jamais du manque d’enseignants et de matériel didactique. Un Proviseur carriériste organise les réunions statutaires, transmet les statistiques à la hiérarchie, verse les contributions financières légales ou illégales réclamées par la hiérarchie, n’oublie jamais la rubrique illégale appui à la délégation lors de l’élaboration du budget de l’établissement, ne pense jamais à préparer le projet de décision de congé de son personnel, ne fait confiance qu’aux mêmes enseignants pour ses secrétariats d’examen durant tout son règne, est très affable quand ils rencontre les syndicalistes de l’extérieur et rude envers ses propres syndicalistes.

Un Inspecteur régional carriériste multiplie les descentes sur le terrain et exige toujours ses frais de transport aux chefs d’établissements, arrive dans les établissements sans prévenir et trouvent absolument à redire, n’encourage jamais les enseignants inspectés, vante toujours ses mérites, ne réclame jamais ses frais de mission à la hiérarchie. Un Inspecteur de la Base carriériste ne paie jamais intégralement les primes de rendement et la dotation budgétaire aux Directeurs d’école, menace d’affectation les enseignants qui posent des questions pertinentes en brandissant son « petit bic », n’inspecte que les enseignants et Directeurs qui « dérangent ». Un surveillant de secteur carriériste monnaie les heures d’absence, les corvées et punitions, ne menace jamais ses élèves, ne se plaint jamais.

Un Délégué carriériste pèse de tout son poids pour autoriser l’ouverture et les transformations d’établissement pour multiplier ses sources de financement, il envoie tout son personnel jusqu’aux secrétaires pour contrôler l’effectivité des rentrées scolaires dont les retombées financières sont immédiates, multiplie les réunions avec les chefs d’établissement qui à cette occasion versent des contributions obligatoires, oriente les chefs d’établissement dans le choix des rubriques à utiliser pour payer ces contributions, exige les contributions financières des établissements pour toutes les journées (philosophie, langue maternelle, orientation, etc.)