Les partis politiques africains après les indépendances

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Introduction
Au lendemain des indépendances africaines dans les années 1950-1960, la scène politique du continent est profondément marquée par l’émergence de partis politiques aux trajectoires diverses. Ces partis accèdent au pouvoir dans des contextes parfois improvisés, oscillant entre la volonté réelle d’émancipation et les pièges d’un néocolonialisme soigneusement entretenu par les anciennes puissances coloniales. Ces dynamiques donnent naissance à différents systèmes politiques : multipartisme, parti unique, systèmes prédominants, hégémoniques et bipartisans. Comprendre ces évolutions permet de mieux saisir les défis démocratiques actuels en Afrique.

I. Des partis politiques non préparés et surpris par l'indépendance

À la veille des indépendances, beaucoup de partis politiques africains n’avaient pas pour objectif immédiat la rupture totale avec le colonisateur. Leur principale revendication portait plutôt sur une meilleure représentativité et une participation accrue dans les institutions coloniales. Ainsi, l’indépendance, souvent concédée sous la pression des contextes internationaux (décolonisation mondiale, guerre froide) et de certains mouvements indépendantistes plus radicaux, surprend ces partis qui ne s’étaient pas préparés à gouverner.

Face à eux, existaient cependant des partis résolument indépendantistes, souvent combattus par le colonisateur (emprisonnements, assassinats, exils). Ces mouvements, à travers des mobilisations populaires et parfois armées, ont contraint les colons à céder l’indépendance. Mais même après la proclamation de l’indépendance, la répression coloniale ne s’arrête pas. Le but du colonisateur restait avant tout l’exploitation continue des richesses du pays. Pour cela, les anciennes puissances coloniales s’appuient sur ces partis politiques non préparés et plus dociles, tout en cherchant à neutraliser ou affaiblir les partis indépendantistes et progressistes.

II. Les partis politiques africains au lendemain des indépendances : le passage du multipartisme au parti unique

À l’indépendance, la plupart des pays africains instaurent le multipartisme. Les constitutions garantissent la liberté d’association et la création de partis politiques pour animer la vie politique. Mais rapidement, la quasi-totalité de ces pays bascule vers le système de parti unique. Seuls trois pays échappent à cette tendance : le Botswana, la Gambie et l’île Maurice.

Plusieurs raisons expliquent cette évolution :

Pour les anciens colons, il s’agissait d’éviter qu’une pluralité de partis politiques ne développe des idées progressistes susceptibles de remettre en cause l’ordre néocolonial.

Pour les partis progressistes au pouvoir, l’objectif était d’empêcher les anciens colons de se servir des partis d’opposition pour déstabiliser le pays et reprendre le contrôle.

La conservation du pouvoir par les leaders devenus pères des indépendances, portés par l’euphorie populaire.

La multiplication des coalitions gouvernementales, qui réduisaient l’opposition.

La forte popularité des leaders, perçus comme des libérateurs.

Ce système de parti unique permettait au pouvoir de contrôler la vie politique et d’éviter toute remise en cause radicale de l’ordre établi, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur.

III. Les mutations politiques après 1990 : retour au multipartisme et diversité des systèmes

À partir de 1990, la chute de l’Union soviétique entraîne une vague mondiale de revendications pour plus de liberté et de démocratie. En Afrique, les peuples contestent le système de parti unique et imposent aux dirigeants le retour au multipartisme.

Ce multipartisme prend cependant plusieurs formes dans les faits :

1- Les systèmes de partis prédominants

Dans ce système, un parti politique s’impose durablement par sa popularité et sa capacité à gagner plusieurs élections successives sans fraude massive. 

Les raisons principales de cet état de fait :

L’échec de l’opposition à convaincre les électeurs.

Le manque de formation et d’organisation des cadres de l’opposition.

Le manque de crédibilité des leaders d’opposition.

Ces partis prédominants deviennent de véritables partis-États, exerçant une influence décisive. Les exemples de ces partis prédominants sont :
- L'ANC en Afrique du Sud ;
- Le CCM en Tanzanie ;
- La SWAPO en Namibie ;
- Le FRELIMO au Mozambique.

2- Les systèmes de partis hégémoniques
Dans ces pays, un parti domine la scène politique en empêchant toute réelle compétition par :
- La limitation des libertés des partis d’opposition;
- Les intimidations et divisions internes des partis politiques d'opposition provoquées par le parti au pouvoir ;
- Le recours aux fraudes pour conserver le pouvoir.

Le cas d'un parti politique hégémonique est le RDPC au Cameroun sous Paul Biya.

3- Les systèmes bipartisans
Ce système ne signifie pas qu’il n’existe que deux partis, mais que deux partis dominent largement et alternent au pouvoir, réduisant les chances d’un troisième parti. Ce système est en vigueur :
- Au Cap-Vert où le PAICV et le Mouvement pour la démocratie se partagent le pouvoir.
- Au Ghana avec le Congrès national démocratique et le Nouveau parti patriotique;
- En Sierra Leone entre le Parti du peuple sierra-léonais et le Congrès de tout le peuple.

Conclusion

Depuis les indépendances, les partis politiques africains ont connu des trajectoires complexes, marquées par l’impréparation, les stratégies néocoloniales des anciennes puissances et la quête de stabilité nationale. Du multipartisme au parti unique, puis au retour du multipartisme dans les années 1990, la vie politique africaine illustre la tension constante entre volonté de souveraineté et maintien des intérêts extérieurs. Aujourd’hui encore, qu’il s’agisse de partis prédominants, hégémoniques ou bipartisans, la scène politique africaine continue de chercher un équilibre entre démocratie effective et maintien au pouvoir des élites.

Avez-vous bien lu ce cours ? Répondez aux questions suivantes :

1- Que réclamaient principalement les partis politiques africains qui n’étaient pas indépendantistes ?
A) Plus de représentativité dans le système colonial
B) L’instauration immédiate du parti unique
C) La suppression totale des administrations coloniales
D) La création d’une armée africaine

2- Parmi ces partis, lesquels ont été le plus réprimés par le colonisateur ?
A) Les partis religieux
B) Les partis favorables au maintien de la colonie
C) Les partis indépendantistes
D) Les partis royalistes

3- Après les indépendances, pourquoi les anciennes puissances coloniales soutenaient-elles certains partis non préparés ?
A) Pour favoriser la démocratie
B) Pour garantir la neutralité politique
C) Pour continuer d’exploiter les richesses des colonies
D) Pour organiser des élections libres

4- Quel système politique domine au lendemain des indépendances en Afrique ?
A) Le bipartisme
B) Le multipartisme
C) Le système monarchique
D) Le système militaire

5- Pourquoi la plupart des pays africains sont-ils ensuite passés au parti unique ?
A) À cause d’une obligation de l’ONU
B) Pour réduire les dépenses publiques
C) Pour éviter l’instabilité et garder le contrôle du pouvoir
D) Parce que les peuples le réclamaient tous

6- Quels pays sont les exceptions qui n’ont pas adopté le parti unique après l’indépendance ?
A) Ghana, Nigeria et Sénégal
B) Botswana, Gambie et île Maurice
C) Cap-Vert, Sierra Leone et Mozambique
D) Namibie, Tanzanie et Afrique du Sud

7- Qu’est-ce qui déclenche le retour du multipartisme à partir de 1990 ?
A) La guerre civile en Europe
B) La chute de l’Union soviétique et les revendications des peuples
C) La création de l’Union africaine
D) L’arrivée d’Internet

8- Dans un système de partis prédominants, qu’observe-t-on ?
A) Tous les partis ont la même chance de gagner
B) Un seul parti domine mais sans fraude massive
C) Il n’existe qu’un seul parti autorisé
D) Les partis d’opposition sont interdits

9- Le RDPC au Cameroun est un exemple de :
A) Système bipartite
B) Système prédominant
C) Système hégémonique
D) Multipartisme libéral

10- Le Ghana connaît un système où deux partis dominent la scène politique. Comment appelle-t-on ce système ?
A) Parti unique
B) Système hégémonique
C) Système bipartisan
D) Système anarchique

Réponses aux questions :
1–A, 
2–C, 
3–C, 
4–B, 
5–C, 
6–B, 
7–B, 
8–B, 
9–C, 
10–C