La question d’âge en politique : le vrai débat derrière les présidentielles camerounaises de 2025

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Les élections présidentielles d’octobre 2025 au Cameroun ont ravivé un vieux débat : celui de l’âge en politique. Faut-il être jeune pour diriger ? Faut-il être vieux pour gouverner avec sagesse ? La question, apparemment simple, cache un véritable enjeu de société : celui de la légitimité politique face au temps.

Une présidentielle qui relance le débat générationnel

À 92 ans, le président Paul Biya, au pouvoir depuis plus de quatre décennies, symbolise pour certains la continuité d’un système épuisé. Ses détracteurs estiment qu’à cet âge, il est déraisonnable d’ambitionner un nouveau mandat dans un monde où la gouvernance exige énergie, innovation et adaptation rapide. À l’inverse, plusieurs jeunes figures politiques camerounaises font de la transition générationnelle leur principal slogan, appelant les « pères » de la scène politique à se retirer pour laisser place à une nouvelle élite.

Mais à bien regarder, cette « bataille des âges » masque souvent un vide idéologique. Beaucoup de ces jeunes candidats, prompts à dénoncer la gérontocratie, peinent à présenter un véritable programme politique. Ils font de la jeunesse non un atout de compétence, mais un simple argument de marketing électoral.

L’âge : un faux problème en politique

L’histoire politique mondiale démontre que l’âge n’est pas un critère absolu de compétence. Des dirigeants âgés ont accompli des réformes majeures et porté des visions profondément modernes. Ils ont conduit leurs nations à des tournants décisifs alors qu’ils n’étaient plus jeunes. Inversement, plusieurs dirigeants jeunes se sont révélés autoritaires, incompétents ou sans vision. La jeunesse ne garantit ni le renouveau, ni la moralité, ni la clairvoyance. Ce qui compte, ce n’est pas l’âge du candidat, mais l’âge de ses idées.

Un jeune peut avoir une pensée usée, tournée vers le passé, tout comme un vieil homme peut porter les aspirations les plus progressistes d’une génération montante. La vitalité politique ne se mesure pas au nombre d’années, mais à la capacité d’un dirigeant à rêver pour son peuple et à transformer ce rêve en réalité.

Le vrai critère : le programme politique

Dans une élection démocratique, le véritable débat doit porter sur le projet de société. Que propose-t-on pour améliorer la vie des citoyens ? Quelle vision du développement, de la justice sociale, de la modernisation de l’État ? Un homme politique qui fait campagne uniquement sur son âge – qu’il soit jeune ou vieux – prouve surtout qu’il n’a rien à dire sur le fond.

L’avenir du Cameroun ne se jouera pas sur une carte d’identité, mais sur la qualité du programme politique : éducation, emploi, santé, industrialisation, lutte contre la corruption, et restauration de la dignité nationale.

 Les limites naturelles de l’âge

Cependant, il faut reconnaître une évidence biologique : à partir d’un certain âge, notamment autour de 90 ans, les facultés physiques et mentales déclinent. Gérer un État moderne, c’est porter une charge immense qui demande lucidité, rapidité, endurance et présence constante.

Les anciennes civilisations africaines avaient bien compris cette limite. Dans l’Égypte pharaonique, on pratiquait la cérémonie du Sed, un rituel de « rajeunissement » du roi. Lorsque le monarque devenait trop âgé et que sa force vitale déclinait, il était symboliquement mis à mort pour être remplacé par un souverain plus jeune et plus vigoureux. Comme le rappelle Cheikh Anta Diop dans L’unité culturelle de l’Afrique noire, ce rituel exprimait une idée essentielle : le pouvoir devait toujours rester lié à la vitalité du roi, gage de prospérité pour le peuple.

Aujourd’hui, dans une République moderne, il n’est plus question de mise à mort symbolique, mais le principe demeure : à partir d’un certain âge, il est légitime de songer à passer le flambeau.

Conclusion : la sagesse du renouvellement

La question d’âge ne devrait jamais être un programme politique, mais un repère de bon sens. Il est nécessaire de renouveler les élites, non parce qu’elles sont vieilles, mais parce que la société évolue. Le rajeunissement politique doit être intellectuel avant d’être biologique.

En définitive, le Cameroun n’a pas besoin d’un président jeune ou vieux, il a besoin d’un président lucide, courageux et visionnaire. Un président capable de lire son époque, de comprendre son peuple et d’imaginer un avenir collectif. L’âge n’est qu’un chiffre ; ce sont les idées qui font les révolutions.