Conditions de vie des enseignants. Où sont passées les promesses présidentielles du 10 février 2013 ?

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A la veille de la fête de la jeunesse de 2013, le Président de la République Paul Biya lors du traditionnel discours du 10 février disait que le niveau des rémunérations et les conditions de vie sont dégradants pour la fonction enseignante jadis considérée « comme une vocation plutôt qu’un métier ». Pour résoudre les problèmes exténuant les fonctionnaires du corps de l’éducation, il traça lui-même deux grands axes de solutions à savoir une réflexion sur le système éducatif et la poursuite du dialogue dans un esprit ouvert sur les revendications fondées des enseignants. Cette allocution apporta de l’espoir aux cœurs de nombreux enseignants. Ces derniers croyaient désormais, avec conviction que leurs revendications seront prises en compte par la plus haute autorité étatique, seule capable de promouvoir véritablement les hommes et les structures de la république.

Inspectons le chantier de la réhabilitation de la fonction enseignante depuis le discours du 10 février 2013. Dégageons les éventuelles avancées enregistrées et relevons la responsabilité des membres du comité interministériel chargé de conduire le dialogue avec les représentants des syndicats d’enseignants. La réflexion sur le système éducatif avant même l’annonce du président de la république, était déjà en cours de rénovation avec le début de la refonte des programmes. Ainsi, force est de constater que les programmes du sous cycle d’observation pour les classes de 6ème/1ère année/Form I et de 5ème/2ème année/Form II basés sur les approches par compétences (APC) introduits en septembre 2012 sont implantés à nos jours dans presque tous les collèges et lycées en dépit des difficultés. Dans certaines disciplines, des supports de cours tels que les ouvrages scolaires adaptés à ces nouveaux concepts pédagogiques sont déjà disponibles. Cette prompte adaptation des enseignants est une preuve qu’ils ne demandent que des meilleures conditions de travail pour contribuer efficacement à l’amélioration de notre système éducatif. C’est le lieu d’exprimer le vœu de voir l’autorité compétente diffuser dès à présent les programmes du sous cycle d’orientation et d’en former le personnel pour éviter les contestations et les incompréhensions En le faisant, les différents partenaires de la communauté éducative pourront donner à temps leurs observations, les enseignants seront imprégnés du travail à faire et tous n’auront plus qu’un même objectif.

L’émergence du Cameroun à l’horizon 2035, leitmotiv du programme de développement pour l’actuel septennat de monsieur Biya devra passer par une éducation conséquente de part la qualité d’hommes à former pour impulser l’éclosion réelle de la nation en termes de développement. Ainsi notre système éducatif devra produire à la fois la transmission des connaissances et l’acquisition des compétences. La question qui se pose est celle de savoir si les enseignants, c'est-à-dire les forgerons du fer de lance de la nation qu’est la jeunesse sont disposés à relever le challenge. Selon les contingences, la réponse peut être affirmative ou négative.

Non, à l’heure actuelle, les enseignants camerounais ne sont pas prêts à mieux accompagner l’émergence. Les enseignants n’ont plus le cœur à l’ouvrage à cause des salaires pitoyables et des conditions de vie frisant la misère. Pour illustration, les cours de soutien ou les répétitions sont organisés par les responsables des structures scolaires partout dans la république. Notons que ces cours à caractère mercantile sont devenus quasi obligatoires pour tout élève désirant réussir. Ces pratiques ne font que compliquer la situation des parents vivant d’ailleurs dans l’indigence pour la grande majorité. Par ailleurs, ces cours mercantilistes ne sont que l’expression de la résignation des enseignants luttant pour leur survie. La conséquence la plus tragique qui en découle est la baisse de niveau chez les élèves. Celle-ci se traduit par l’obtention des diplômes au rabais aux examens officiels. Cela ne dérange personne et l’on s’efforce plutôt de trouver les techniques pour améliorer les taux de réussite dans la médiocrité. On refuse de s’attaquer à la cause du mal pour s’occuper des symptômes. Depuis des années, les fonctionnaires du corps de l’éducation expriment sans succès leur désarroi. Face à ces multiples récriminations permanentes, le gouvernement tente de trouver les solutions sans fondamentalement y mettre une contenance significative. Ainsi des primes indignes ne prenant même pas en compte les différents grades de ces fonctionnaires ont été octroyées sans pour autant résoudre le problème. C’est pourquoi la situation est toujours bouillonnante dans le secteur éducatif. Depuis le discours présidentiel de 2013, les lignes n’ont pas toujours bougé. Le dialogue qui se déroule depuis près de deux ans entre le comité interministériel et les représentants des syndicats n’a rien produit jusqu’à présent. Est-ce la faute des protagonistes des négociations ou l’absence de volonté gouvernementale ? L’inertie, le mal caractérisant l’administration publique au Cameroun a-t-elle englouti les propos du Chef de l’Etat ? Pourtant, sa sortie en février 2013 laissait croire qu’il n’attends plus que des propositions pertinentes pour octroyer un souffle salvateur aux enseignants du primaire et du secondaire comme ce fut le cas pour leurs collègues du supérieur et le personnel d’appui des universités. C’est l’occasion de stigmatiser l’existence d’une pléthore de syndicats d’enseignants dont on peut douter de leur capacité et de l’engagement réel. Ils sont certes à la recherche de leur positionnement. Mais peuvent-ils toutefois mettre en relief les revendications collectives ? Il est irréfutable que la surabondance de syndicats fragilise la cause des professionnels de la craie. Les enseignants n’ont pas de bureau de travail. Ainsi chacun doit préparer les cours à domicile en utilisant le mobilier familial. L’énergie électrique consommée pour les préparations des cours et les corrections des copies est supportée par le maigre budget familial. La documentation et autres matériels didactiques sont toujours à la charge du chétif salaire des enseignants. Vivement, que toutes les primes soient substantielles et qu’elles soient octroyées en fonction des différents grades que comporte ce corps de métier; de même, qu’un décret vienne mettre en pratique le discours du chef de l’Etat de 2013. Ainsi, les enseignants sauront que monsieur Biya est un Président dont les promesses se réalisent.