La cancrocratie en Afrique : chronique d’un mal organisé

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La cancrocratie est le règne des incompétents. C’est un système où le pouvoir n’échoit pas aux plus méritants, mais à ceux qui, ne connaissant ni l’effort ni la compétence, se retrouvent aux commandes par des jeux d’héritage, de corruption ou de manipulation étrangère. Ce système n’est pas le fruit du hasard. Il est le produit d’un long processus de démolition calculée des forces vives de l’Afrique, orchestré par ceux qui, après avoir colonisé le continent, veulent continuer de le posséder sans paraître.

L’émergence des incompétents est la stratégie des anciens colons. En quittant officiellement les palais coloniaux, ils n’ont jamais quitté les centres de pouvoir. Ils ont écarté les esprits brillants, les nationalistes sincères, les hommes de vision. À leur place, ils ont installé des marionnettes : des médiocres dociles, des incompétents loyaux, des gouverneurs noirs pour administrer les intérêts blancs. C’est ainsi que l’Afrique s’est retrouvée ligotée, prise en otage par ses propres fils corrompus.

Ces incompétents sont, en vérité, des incompétents. Ils ne peuvent pas penser le développement parce qu’ils ne savent pas comment le travail se fait. Ils sont dans la jouissance permanente. Ils dilapident les richesses du pays avec une inconscience effarante. La France, qui les a imposés dans ses anciennes colonies, le sait. C’est pourquoi elle a dépêché auprès d’eux des conseillers techniques, non pour les former, mais pour s’assurer qu’ils ne nuisent pas — par ignorance — aux intérêts français. On ne peut pas faire confiance à un ignorant, même dans sa servitude.

Le drame atteint son paroxysme lorsque les incompétents prennent seuls le contrôle de l’État. Si le pays est autonome, leur règne est de courte durée. Les forces de progrès s’organisent rapidement et les balayent. Mais lorsqu’ils sont soutenus par une puissance étrangère, les racines de leur pouvoir deviennent profondes et toxiques. La France a installé ses armées en Afrique, non pour défendre la démocratie, mais pour protéger ces incompétents qui lui sont utiles. Elle a armé leur main répressive, financé leur surveillance, organisé l’étouffement de toute opposition politique.

C’est elle qui, en imposant des partis uniques, a réuni toutes les forces de la nation sous l’égide d’un seul homme. Elle savait qu’un multipartisme authentique pouvait permettre aux compétents d’émerger, de séduire le peuple, et de remettre en cause la domination coloniale déguisée. Même lorsque le vent de la démocratie a soufflé sous la pression populaire, la France a continué à soutenir ces régimes, maquillant leur tyrannie sous des habits électoraux.

Les incompétents, conscients de leur nullité, se méfient de l’intelligence. Ils déclarent une guerre frontale à tout ce qui est compétent. Ils répriment, exilent, emprisonnent les esprits lucides. Leur obsession n’est pas de faire progresser le pays, mais de se maintenir. Le progrès leur fait peur. Sous leur règne, l’Afrique touche le fond. Toute initiative de développement est arrêtée, sabotée ou récupérée pour des intérêts personnels. Lorsqu’un projet est réalisé, il est souvent inutile, et le coût de son inauguration dépasse celui de sa construction.

Avec eux, l’Afrique n’a aucun poids dans les échanges mondiaux. Elle mendie dans les sommets internationaux, alors qu’elle regorge de ressources. Les incompétents s’entourent de leurs semblables. Le président incompétent nomme des incompétents comme lui à tous les niveaux. Ils savent que la venue d’un homme compétent signerait leur fin. Alors ils trichent les élections, pourchassent les opposants, achètent des consciences, menacent, violent. Leur chef est leur bouclier, leur garant. Et c’est la nation entière qui sombre avec eux.

Les compétents, eux, sont écartés, poussés à l’exil, réduits à la mendicité. D’autres se résignent, se camouflent, dissimulent leur intelligence pour survivre. Le système éducatif est saboté sciemment. Les écoles manquent de tout : bancs, classes, livres. Les programmes sont obsolètes. Car former des citoyens critiques serait semer les graines de la fin du régime.

Sachant qu’ils ne savent rien, ils cachent leur incompétence derrière le luxe. Ils roulent dans des voitures de prestige, bâtissent des palais, paradent. Leur plaisir est de voir les compétents à genoux, quémandant un poste, une faveur. La réussite sociale est réduite à la soumission. Le mot d’ordre est clair : être avec l’incompétent ou périr.

La cancrocratie ne s’arrête pas à l’économie. Elle pervertit la culture. La musique est vidée de son sens, transformée en outil de décervelage. L’art n’élève plus, il abaisse. Les chants obscènes sont promus, l’alcool coule à flot. Un peuple saoulé est un peuple qui ne rêve pas. Un peuple sans rêve ne renverse pas les trônes.

La cancrocratie règne par la peur. C’est la terreur qui la maintient. Les prisons sont pleines d’opposants, les cimetières pleins de résistants. La peur tétanise les consciences. L’armée devient l’unique voie de survie. La fonction publique est militarisée. Les entreprises disparaissent. Le secteur informel explose. La prostitution, le vol, les combines deviennent des modes de vie. On naît dans le chaos, on vit dans le désordre, on meurt dans l’oubli.

Le Cameroun de Paul Biya est une illustration criante de ce système. Un homme, au pouvoir depuis plus de quarante ans, soutenu par l’ancien colon, enfermé dans son confort, pendant que le peuple se noie dans la misère. Son régime est la définition même de la cancrocratie : longévité, incompétence, violence, corruption et servilité.

Ce système doit être combattu. Il faut réhabiliter l’intelligence, redonner au mérite sa place, restaurer la dignité de l’Afrique. Le peuple doit se réveiller, se libérer de la peur et faire renaître l’espoir. Car un continent gouverné par ses meilleurs enfants est un continent qui se relève.