Résumé de l’ouvrage : L’UNITÉ CULTURELLE DE L’AFRIQUE NOIRE

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Version revue et corrigée

 

Auteur : Cheikh Anta Diop

Edition : Présence Africaine

Année d’édition : 1982 (seconde édition)

 

Par :

La Ligue Associative Africaine

 

 

 

Sous la coordination de : Yemele Fometio

Mai 2019

                                                                                                

 

 

 

 

Cet ouvrage est résumé par le Département Panafricain de l’Education et de la Culture de la Ligue Associative Africaine. Le projet du résumé des grands ouvrages contribue à la Renaissance Africaine. Nous sommes convaincus que cette renaissance ne peut être assise que sur des savoirs solides et inattaquables. Nous avons décidé de résumer des ouvrages capitaux sur l’Afrique pour permettre aux africains d’avoir des connaissances nécessaires à l’émergence du continent, et à la proclamation de la République de Fusion Africaine.

Une renaissance africaine n’est pas possible sans un Etat unificateur solide et puissant, capable de fédérer toutes les aspirations du peuple africain à travers la planète. C’est pour cette raison que la Ligue Associative Africaine fédère les partis politiques, les syndicats et organisations des pays d’Afrique pour mener la Grande Révolution Panafricaine et proclamer la République de Fusion Africaine. Le résumé de cet ouvrage entre dans le cadre de notre programme éducatif « Les études panafricaines » qui vise à former les cadres de la Grande Révolution Panafricaine dans les partis politiques et organisations membres de la Ligue Associative Africaine. Au-delà, ce résumé s’adresse à tout africain et toute personne désireuse d’avoir des connaissances solides et vraies sur l’Afrique.

Cependant seule une lecture de l’ouvrage en entier peut vous permettre de cerner toute sa quintessence. Bonne lecture de ce résumé.

 

 

 

 

 

Chapitre premier

Histoire du Matriarcat

 

Exposé des thèses de J.J Bachofen, de Morgan, de F. Engels

Critique de ces thèses

Le premier historien du matriarcat est J.J. Bachofen qui publia en 1961 « le droit de la mère ». En 1871, le chercheur américain Morgan apporte une confirmation sur l’évolution des premières sociétés. Enfin en 1884 Frederick Engels s’appuie sur les recherches des deux premiers pour mieux affirmer et démontrer l’historicité de la famille : « origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat ».

Thèses de Bachofen

Il considère que l’humanité a d’abord connu une époque de barbarie et de promiscuité telle que la filiation ne pouvait être comptée qu’en lignée utérine, toute filiation paternelle étant incertaine. Le mariage n’existait pas. Une seconde époque, dite gynécocratie est caractérisée par le mariage et l’hégémonie de la femme. C’est la véritable époque du matriarcat selon Bachohen. L’amazonisme est également caractéristique de cette époque. Enfin la troisième période se caractérise par un autre mariage sous l’hégémonie de l’homme, par un impérialisme masculin : c’est le règne du patriarcat. Selon lui, le patriarcat est supérieur au matriarcat : il est avant tout spiritualité, lumière, raison et finesse. Il est symbolisé par le soleil, les hauteurs célestes où règnent une santé et une spiritualité éthérées. Par contre le matriarcat est lié aux profondeurs caverneuses de la terre, à la nuit, à la lune, à la matière, à la féminité passive par opposition à la droite liée à l’activité masculine. Bachofen tire son principal argument de l’analyse de l’Orstie d’Eschyle qu’il considère comme la lutte entre le droit paternel et le droit maternel : Agamemnon, généralissime des Grecs, revient de la guerre de Troie et trouve sa femme avec un amant. Clytemnestre se débarrasse de son mari par un meurtre. Oreste, fils d’Agamemnon, venge son père en tuant sa mère. Il est alors poursuivi par les divinités protectrices du droit maternel, les Eninnyes pour qui le meurtre le plus grave qu’on puisse commettre, le seul qui soit inexpiable est celui d’une mère. Le cas est d’autant plus significatif que c’est Apollon qui, selon la volonté de Zeus, a ordonné le crime à Oreste : aussi, prend-t-il sa défense en rappelant que la mère n’est pas créatrice du germe versé dans son sein par l’homme. Il conclut que c’est l’homme qui crée l’enfant. Pour Bachofen, le matriarcat a régi toutes les sociétés, d’où les nombreuses traces relevées dans la littérature classique de l’Antiquité. Le passage du matriarcat au patriarcat, selon lui, marque le passage d’une étape inférieure à une étape supérieure, et ne s’est pas faite à la même période chez tous les peuples.

Thèse de Morgan

Morgan part du système de parenté en vigueur chez les Indiens Iroquois d’Amérique (New-York) pour reconstituer les formes primitives de la famille humaine. Il aboutit à la même conclusion que Bachofen. Il régnait chez ces Indiens un mariage individuel, facilement dissoluble de part et d’autres, que Morgan appelle « famille syndyasmique ». Mais ce ne sont pas seulement ses propres enfants que l’Iroquois considère comme ses « fils » et « filles », mais aussi ceux de ses frères, et ceux-ci l’appellent « père ». Par contre, il appelle les enfants de ses sœurs « neveux ». Ceux-ci à leur tour l’appellent « oncle ». Inversement, l’Iroquoise appelle les enfants de ses sœurs ses « fils » et ses « filles ». Ceux-ci l’appellent leur « mère ». Mais elle appelle les enfants de ses frères ses « neveux » et « nièces ». Ceux-ci l’appellent « tante ». De même, les enfants des frères s’appellent entre eux « frères » et « sœurs », tandis que ceux des sœurs s’appellent aussi « frères » et « sœurs ». Les enfants d’une sœur et ceux de ses frères s’appellent mutuellement « cousins » et «cousines ».

Procédant par récurrence à partir des 4 systèmes de parenté historiquement pratiqués, Morgan reconstitue l’histoire de la famille et dégage quatre types de familles qui se sont succédés. La plus ancienne, celle sortie de la promiscuité primitive, est la famille dit consanguine. Le mariage n’est interdit qu’entre parents et enfants. Les hommes et femmes d’une même génération se marient tous. Les grands-pères épousent les grands-mères… par conséquent, tous les frères et sœurs se marient entre eux. Ce type de famille a disparu chez tous les peuples, mais Morgan affirme son existence à Hawaï. La seconde est la famille « punaluenne ». Les liens entre frères et sœurs sont interdits. Désormais, c’est un groupe de sœurs ou de « cousines » qui seront épousées par un groupe de frères qui s’appellent entre eux punalua comme le font aussi entre elles les femmes. Pour Morgan, le «genos » qui est à la base de toute l’organisation politico-sociale de l’Antiquité classique dérive de cette famille punaluenne. C’est le type de famille des Iroquois. Toutes les sœurs ont des enfants en commun, tout comme tous les frères sont les pères en commun. Tous les enfants communs se considèrent comme frères et sœurs. Les enfants sont donc divisés en deux classes : d’une part, les fils et filles, d’autre part, les neveux et nièces ; ces deux groupes sont cousins entre eux. Pour Morgan, le matriarcat est impliqué dans ce type de mariage par groupes, car seule la descendance matrilinéaire reste parente : il est donc antérieur au patriarcat. La troisième est la famille syndyasmique. C’est la monogamie, avec facilité réciproque de divorce : c’est celle qui régissait toute la société indienne quand Morgan l’étudia. La filiation y est matrilinéaire et l’homme apporte la dot à la femme. Celle-ci ne quitte pas son clan. Elle peut exclure son mari de son clan s’il n’apporte pas assez de vivres pour la nourriture commune. Quel que soit le motif de la séparation, les enfants restent en totalité au clan de la mère. Le système de matriarcat, sous sa forme la plus achevée, nous est donc transmis par la famille dite «syndyasmique ». La quatrième est la famille monogame patriarcale où le divorce est rendu extrêmement difficile. La femme vit sous la dépendance totale du mari, sous son autorité juridique. La descendance est patrilinéaire. Une autre découverte de Morgan est l’identification des clans «totémique » des Indiens avec le genos grec et la gens romaine. Il démontre que c’est le clan totémique des indiens qui a engendré le genos des grecs et la gens des romains. Des recherches effectuées dans les autres parties du monde (Afrique noire, Inde, Océanie) confirment ses observations. Morgan conclut que le matriarcat est une forme universelle qui, à un moment donné de son évolution, a régi tous les peuples.

Thèse d’Engels

Etant un marxiste, les faits relatés ci-dessus lui ont servi de matériau pour démontrer que la famille monogamique bourgeoise traditionnelle, loin d’être une forme permanente, sera frappée de la même caducité que les institutions antérieures. Ses thèses seront étudiées plus loin.

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre II

Critique de la thèse classique d’un matriarcat universel

S’il était prouvé qu’au lieu d’un passage universel du matriarcat ou patriarcat, l’humanité s’était dès l’origine scindée en deux berceaux géographiquement distincts, dont l’un propice à l’éclosion du matriarcat et l’autre à celle du patriarcat, et que ces deux systèmes se sont rencontrés et même disputés dans les différentes sociétés humaines, que par endroits ils se sont superposés ou juxtaposés, on commencerait à élucider l’un des points obscurs de l’histoire de l’antiquité. On disposerait dès lors d’un critère permettant d’identifier certains vestiges du passé, telle que les traces indéniables de matriarcat à l’époque égéenne. La thèse classique qui est aussi adoptée par la plupart des sociologues et des ethnologues, c’est celle de Durkheim qui a été déjà mise en doute par Van Gennep. Ce dernier s’est appuyé lui-même sur les travaux de Graebner. Van Gennep accuse Durkheim d’avoir résolu le problème sans l’avoir formulé. La seule chose que celui-ci aurait démontré dans son étude approfondie des relations matrimoniales dans les sociétés océaniennes c’est une combinaison à l’infini des deux systèmes de filiation, mais non l’antériorité de l’un sur l’autre. C’est cette tendance inconsciente à rendre le patriarcat supérieur que développe Bachofen. En fait, l’épanouissement de l’être est lié au matriarcat, et particulièrement à la femme, avec le respect qui l’entoure. La hiérarchie que Bachofen établi entre les deux systèmes manque de fondements.

Une première critique importante qu’on peut faire à la thèse de Bachofen, c’est qu’elle comporte une lacune majeure. La démonstration du passage universel d’un matriarcat à un patriarcat n’est scientifiquement acceptable que si l’on peut prouver. Or cette condition n’a pas été remplie dans les travaux de Bachofen. On n’a jamais pu déterminer une époque historique à laquelle les Grecs et Romains auraient connu le matriarcat. C’est ainsi qu’on est obligé de remonter aux Etrusques pour démonter l’existence du matriarcat en Italie. Lorsqu’on l’examine du près, la thèse de Bachofen apparait comme anti-scientifique. Il est improbable que les berceaux aussi différents géographiquement que les steppes eurasiatiques propices à la vie nomade et les régions méridionales du globe, en particulier l’Afrique propice à l’agriculture et à la vie sédentaire aient engendrés les mêmes types d’organisation sociale. Cette critique prend toute sa valeur si l’on admet l’influence du milieu sur les formes sociales et politiques.

Aussi loin que l’on puisse remonter dans le passé indo-européen, surtout par la voie de la linguistique comparée, on ne rencontre qu’une forme de famille patriarcale qui semble commune à toutes les tribus avant leur séparation (Aryens, Grecs, Romains). Les termes relatifs à la vie nomade sont communs contrairement à ceux qui concernent la vie politique et l’agriculture. Dans la vie nomade réduit à de perpétuels développements, le rôle économique de la femme était ramené au strict minimum, elle n’était qu’un fardeau que l’homme trainait derrière lui. En dehors de la procréation, son rôle dans la société nomade était nul. C’est à partir de ces considérations qu’une explication nouvelle peut être tentée pour justifier le sort de la femme dans la société indoeuropéenne. Ayant moins de valeur économique, c’est elle qui quitte son clan pour joindre celui de son mari, contrairement à la coutume matriarcale qui exige l’inverse. Elle rompt avec sa famille naturelle vis-vis de laquelle elle n’est plus qu’une étrangère. Elle doit même compenser son infériorité économique par une dot qu’elle apporte au mari. Son mari a droit de vie et de mort sur elle. Il n’a pas de compte à rendre à l’Etat en ce qui concerne le sort qu’il peut lui faire subir. Le mari pouvait vendre sa femme ou choisir un époux éventuel en prévision de sa propre mort. Longtemps après la sédentarisation, les femmes indo-européennes étaient encore cloitrées. Engels rappelle qu’elles apprenaient tout au plus à filer, à tisser, à coudre et un peu à lire. Qu’elles ne pouvaient avoir de rapport qu’avec d’autres femmes. Elles étaient isolées dans le gynécée qui constituait une partie distincte de la maison, soit à l’étage supérieure, soit derrière, pour les soustraire à la vue des hommes, surtout des étrangers. La monogamie qui semblait être à première vue l’apanage du monde indo-européen et traduire un respect quasi-religieux de la femme n’a pu s’instaurer que très péniblement à travers le temps sous pression des conditions économiques. La parenté matrilinéaire est inexistante. Chez les indo-européens, les enfants de deux sœurs appartiennent à deux familles différentes. Ils appartiennent aux familles de leurs pères. Seul l’ainé de sexe mâle hérite. A défaut d’enfants, c’est le père et non la sœur qui hérite. A défaut du père, on cherche dans la branche collatérale la plus proche, un ancêtre dont un descendant mâle et vivant devient héritier. Dans les périodes difficiles, la femme devient une bouche inutile. C’est la seule explication sociologique que l’on puisse donner à la suppression des filles dès la naissance chez les nomades. Devenue inutile avec la sédentarisation, cette pratique fut interdite par la Bible et le Coran.

Culture des cendres

Sous le nomadisme, on ne peut pas vouer un culte à des tombeaux fixes qu’on va abandonner pour d’autres lieux. La seule solution qui s’offrait était de réduire le corps des défunts à un poids et un volume minima pour les rendre transportables. Les urnes contenant les cendres des ancêtres n’étaient autre chose qu’un cimetière ambulant. Le culte des cendres fut perpétué même après la sédentarisation. Ceci parce que c’était le culte des ancêtres, donc religieux. Or les pratiques les plus immuables, les plus difficiles à abandonner sont celles qui relèvent de la religion. Avec la sédentarisation, le tombeau, devenu nécessaire, fut adopté, ce qui aboutit au fait qu’on incinérait souvent les morts avant de les enterrer. César, Gandhi, Einstein furent incinérés.

Culte du feu

L’originalité réside dans la présence du feu, car le culte des ancêtres n’est l’apanage d’aucun peuple. C’est seulement chez les Indo-européens que les autels de ce culte seront surmontés d’un feu sacré qui ne doit jamais s’éteindre. Il est difficile de ne pas lier cette présence au caractère froid du climat nordique. Son rôle bienfaisant est primordial. A force d’être utile, il devient sacré et fut adoré comme tel. C’est ainsi que le culte du feu est caractéristique du bassin nordique.

Berceau méridional et matriarcat

Lorsque la structure sociale est telle que l’homme qui se marie quitte son clan pour aller vivre dans celui de sa femme, on est en présence d’un régime matriarcal. Ce régime n’est concevable que dans la vie sédentaire, tandis que le patriarcat ne l’est que dans la vie nomade. Ce n’est que dans le matriarcat que la femme peut, malgré son infériorité physique, apporter une contribution appréciable à la vie économique. Elle en devient même l’élément stabilisateur en tant que maîtresse de maison, gardienne de vivres. A ces âges primitifs où la sécurité du groupe était le souci majeur, la considération dont jouissait l’un des sexes était liée à sa contribution à cette sécurité collective. Dans un régime agricole on peut donc s’attendre à ce que la femme reçoive la dot au lieu de l’apporter, contrairement à la vie nomade. La dot est en fait une compensation ou une garantie apportée par le sexe le moins favorisé économiquement. Si l’indo-européenne qui donne sa dot n’achète pas son mari, l’africain qui remet la sienne n’achète pas davantage sa femme. Dans le matriarcat, l’homme qui quitte son clan pour rejoindre celui de la femme est un étranger que la femme peut à tout moment répudier s’il ne satisfait pas à tous ses devoirs conjugaux. Dans le système matriarcal à l’état pur on n’hérite pas de son père, on hérite de son oncle maternel. Tous les droits politiques sont transmis par la mère. En dehors de l’usurpation, aucun prince ne peut hériter d’un trône si sa mère n’est pas princesse. L’importance de l’oncle maternel vient du fait que c’est lui qui assiste sa sœur, la représente en tous lieux, et, au besoin, prend sa défense. Ce rôle d’assistance à la femme à l’origine, n’incombait pas au mari considéré plutôt comme un étranger à la famille de sa femme.

Dans les sociétés méridionales, tout ce qui est afférent à la mère est sacré. Son autorité est illimitée. Elle peut choisir un conjoint à son enfant sans consultation préalable de l’intéressé. Souvent deux êtres totalement inconnus l’un de l’autre sont fiancés, et informés quand le mariage approche. De telles pratiques se retrouvent aussi souvent chez les Indiens Iroquois. Les serments invoquant la mère doivent être exécutés sous peine de problèmes. La malédiction de la mère brise l’avenir de l’enfant de manière irréversible. Une malédiction émanant de la branche de la mère est irréversible. Toute la société africaine noire est convaincue de l’idée que le sort de l’enfant dépend uniquement de sa mère, et, en particulier, du labeur que celle-ci aura fourni dans la maison conjugale. C’est pour cela que les femmes supportent souvent volontairement des injustices de la part de leurs maris avec la conviction qu’il en résulte le plus grand bien des enfants, pour la réussite de ces derniers.

Les ethnologues et sociologues adoptent la même échelle de Bachofen en affirmant qu’on quitte du matriarcat au patriarcat. Ils fondent leurs arguments sur l’étude de la société océanienne. Or si l’on veut qu’un problème de sciences humaines soit non soluble, il suffit de le poser à partir de l’Océanie. L’éparpillement des terres habitables dans l’océan, leur exiguïté la plupart de temps, le croisement des directions de migrations, le nombre de races qui se sont heurtées, juxtaposées, superposées ou qui ont fusionné donne au continent océanien un faciès dont l’originalité s’oppose à la solution de tout problème humain. Il eût été important de poursuivre des recherches sur un autre continent « arriéré », l’Afrique ou l’Amérique, où l’indigène bénéficie d’une base de résistance aux facteurs extérieurs plus large et plus solides. En Afrique noire on pense, presque partout, que l’enfant doit davantage, biologiquement parlant à sa mère qu’à son père. Au Sénégal comme en Ouganda, on croit à l’existence parmi les humains d’un être qu’on devrait appeler proprement « sorcier – mangeur d’êtres » pour les distinguer du sorcier traditionnel mentionné par les ethnologues. Seul, le premier mérite aux yeux des Africains le nom de sorcier ; le second n’est que le possesseur d’une science secrète dont il est très jaloux et qu’il ne révèle qu’au moment de l’initiation à des gens qui le méritent. Le premier est doué d’un pouvoir surnaturel grâce auquel il peut se transformer en toutes sortes d’animaux pour effrayer sa victime, la nuit en général, chasser ainsi le « principe actif » de son corps. Sitôt que la victime, considérée comme morte, est enterrée, le sorcier se rend à sa tombe, la déterre, la ranime et la tue réellement pour consommer sa chair comme viande de boucherie. Ce sorcier est censé posséder une paire d’yeux à la nuque en plus des yeux ordinaires, ce qui le dispense de tourner la tête. Il a des bouches puissamment dentées au niveau des articulations des bras et des jambes. Il a le pouvoir de voler dans les airs en faisant échapper des feux par les aisselles ou la bouche. Il voit aisément les entrailles de ses convives et la moelle de leurs os, il voit leur sang circuler, leur cœur battre. Il peut nous enlever un os sans nous ouvrir avec ses propriétés d’être de quatrième dimension. Lorsqu’il est identifié et battu par la population pour avoir été responsable de la mort d’une victime, ce sorcier peut garder dans son corps son « principe vital », en sortir son «principe actif » lié à sa sensibilité. Ce qui lui donne la possibilité de transférer sa douleur sur un objet environnant. Il ne ressent alors aucune douleur jusqu’à ce qu’on découvre l’objet auquel il a transféré sa douleur et qu’on frappe cet objet. Toute cette description rejoint la valeur de la femme dans la société africaine. Seule la mère sorcière est capable de transmettre ce pouvoir à son enfant. Le père sorcier ne transmet que la moitié de son pouvoir à son enfant, qui n’est qu’à moitié sorcier. Il est incapable de tuer une victime pour se nourrir de sa chair, il pourra tout au plus contempler les entrailles de ses convives. On voit donc que la participation du père dans la conception de l’enfant n’est pas mise en doute, n’est pas ignorée, mais qu’elle est secondaire et moins opérante que celle de la mère.

 

 

Culte des morts

C’est dans le cadre de la vie sédentaire que l’existence du tombeau se justifie. Ce qui fait qu’il soit impossible de rencontrer dans un pays agricole, comme l’Afrique noire, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, des traces d’incinération. Tous les cas signalés sont inauthentiques. L’Egypte ancienne n’a pas non plus connu la pratique de l’incinération. Partout où l’on rencontre la pratique de l’incinération, fut-ce en Inde et en Amérique, il est possible de discerner la présence d’un élément indo-européen venu des steppes eurasiatiques. Les tombeaux constituent la demeure des Ancêtres après la mort. On y fait les lapidations, on apporte des offrandes et on y prie. Avec la découverte de l’agriculture, la terre est apparue comme une divinité périodiquement fécondée par le ciel par l’intermédiaire de la pluie. A partir de ce moment, le rôle du ciel est fini et c’est la terre qui nourrit les semences déposées en son sein. Elle engendre la végétation. D’où la triade Ciel-Terre-Végétation. En Egypte, cette Triade a fini par donner une Triade de demi-dieux : Osiris-Isis-Horus. L’assimilation du rôle de la terre dans la naissance de la végétation à celui de la femme dans la naissance de l’enfant est évidente. Ce fait a renforcé le matriarcat.

Critique des thèses de Morgan et d’Engels

Dans la thèse de Morgan, il s’agit de relever deux idées précises qui sont à la base du système. D’une part, les systèmes de parenté qui lui ont permis de reconstituer l’histoire de la famille ne correspondent pas à l’interprétation qu’il en donne. Ils reflètent simplement les relations sociales des peuples qu’il a étudiés. D’autre part, il a bien dégagé la signification sociologique du clan totémique fondé sur le matriarcat, mais il n’a pas pu établir ce lien logique, de filiation, qui permet de passer de l’un à l’autre, d’affirmer l’universalité du processus qui conduit du matriarcat au patriarcat.

Engels n’apporte pas plus d’éclaircissement sur ce processus. Il analyse le fait que dans la société matriarcale, les femmes d’un clan sont appelées mères par tous les enfants du clan. Si le matriarcat était universel, on se demande pourquoi cette réalité n’a pas survécu sous forme de traces dans le berceau nordique, chez les indo-européens dont nous connaissons les traditions mythologiques et l’histoire avec certitude (Grecs, Romains, Germains). Pourtant ces traces sont très visibles dans l’empire du Ghana qui a précède de cinq cent ans l’empire de Charlemagne malgré l’influence de l’islam.

Morgan et Engels affirment que le matriarcat est un système arriéré, pratiqué à l’état de sauvagerie et de barbarie. Le patriarcat serait alors l’étape supérieure vers la civilisation. Pourtant, Delafosse affirme clairement que le Royaume du Mali, pratiquant le matriarcat, était déjà de plusieurs siècles en déclin. Malgré ce fait, son souverain traitait d’égal à égal avec le Portugal patriarcal, alors au sommet de sa puissance et celui du monde Indo-Européen. On ne doit donc pas lier le matriarcat au processus d’évolution des sociétés. On le trouve chez les populations méridionales et agricoles (Afrique noire, Dekkan, Mélanésie, Amérique précolombienne). On sait que la population de l’Amérique est venue d’ailleurs puisqu’on n’y trouve pas d’hommes fossiles. Le matriarcat n’est donc pas universel. Lorsqu’un africain appelle père ou mère le frère de son père ou la sœur de sa mère, il sait qu’ils leur sont substituables en cas de décès, de maladie ou de défaillance. La structure de la société africaine exige cette assimilation des oncles et tantes aux vrais parents. Il en découle un ensemble d’obligations réciproques. La facilité de séparation dans le régime matriarcal ne doit pas être considérée comme révélatrice de mœurs dissolues, mais comme l’indice du degré d’épanouissement qu’une société accorde à tous ses ressortissants sans distinction de sexe. La femme africaine dans le mariage continue à porter le nom de sa famille, contrairement à la femme indo-européenne qui perd le sien pour prendre celui de son mari.

Piganiol affirme que le matriarcat et le patriarcat sont deux conceptions de l’au-delà. Il poursuit en affirmant que les peuples qui adorent le ciel (nomades) ont l’idée d’une parenté entre le feu du foyer, l’atmosphère et le feu solaire. Or il est douteux d’attribuer une religion solaire aux peuples indo-européens. Une telle religion devrait être l’apanage du Midi où le soleil brille franchement, où le ciel est réellement clair. C’est dans le ciel méditerranéen et non dans le ciel nordique que devrait régner un Zeus, dieu de la lumière. Ra est bien un dieu solaire du Midi. Graebner soulève d’ailleurs l’absence d’une divinité solaire dans la religion romaine. Le culte d’un dieu solaire dans le berceau nordique relève de l’influence extérieure.



 

 

 

Chapitre III

Histoire du patriarcat et du matriarcat : berceau méridional, berceau nordique et zone de confluence

 

Berceau méridional

L’Afrique est le continent méridional qui est le moins transformé par les influences extérieures. La pénétration arabe a été arrêtée vers le sud par la forêt, à cause de la mouche tsé-tsé qui tue les chevaux. Les premières expéditions qui ont atteint le cœur de l’Afrique, celles de Livingstone et de Stanley sont postérieure à 1850.

Ethiopie

Il s’agit de l’Ethiopie décrite par Hérodote et Diodore de Sicile, ayant pour capitale antique Méroé et situé approximative à l’emplacement actuel du soudan. On l’appelle aussi la Nubie ou pays de Sennâr. L’Ethiopie actuelle n’en était qu’une province périphérique. L’Ethiopie est le deuxième pays du monde qui fut dirigé par une reine après l’Egypte qui connut Hatshepsout. Il s’agit de la Reine de Saba, contemporain du roi Salomon. Les historiens se demandent parfois si elle a régné en Ethiopie proprement dite ou en Arabie. Jusqu’à la naissance de Mahomet, l’Arabie méridionale était inséparable de l’Ethiopie, leur destinée historique était commune. L’Arabie était dominée par l’Ethiopie. Cette autorité de l’Ethiopie sur l’Arabie est attestée par un verset du Coran intitulé « les Eléphants ». Mahomet raconte comment l’armée éthiopienne forte de 40 000 hommes envoyés pour réprimer une révolte des Arabes du Yémen contre le gouverneur éthiopien fut détruite par les « Messagers du ciel » qui envoyèrent des projectiles miraculeux sur des soldats Ethiopiens. Cette armée éthiopienne fut détruite non pas par des projectiles miraculeux, mais par une tempête de sable ou une épidémie de peste qui se serait déclaré en cours de route. Quoi qu’il en soit, c’est d’avantage à l’Ethiopie et non à l’Arabie « sabéenne » qu’il faut rattacher la reine de Saba. Le règne de la reine Candace fut véritablement historique. Elle est contemporaine de César Auguste à l’apogée de sa gloire. Celui-ci après avoir conquis l’Egypte poussa ses armées à travers le désert de Nubie jusqu’aux frontières de l’Ethiopie. Candace prit le commandement de son armée est engagea une bataille féroce contre Rome. La perte d’un œil au combat ne fit que redoubler le courage de la reine. Cette résistance héroïque impressionna toute l’antiquité classique, non parce qu’elle était une négresse, mais parce qu’il s’agissait d’une femme. On n’était pas habitué dans le monde indo-européen à l’idée d’une femme jouant un rôle politique et militaire. Cette résistance glorieuse est restée dans la mémoire des soudanais. Toutes les reines postérieures à elle portèrent génétiquement son nom.

Hérodote rapporte que les Ethiopiens Macrobiens sont les plus beaux et les grands de tous les hommes. Ils sont doués à une santé à toute épreuve. En leur appliquant le qualificatif de Macrobiens, il veut faire allusion à leur longévité. Le roi était choisi parmi les plus forts. L’abondance des ressources alimentaires y est symbolisée par ce qu’Hérodote et la légende appellent « la table du soleil » : la nuit, les émissaires du Roi déposent discrètement une quantité de viande bien cuite sur un gazon réservé à cet usage. Au lever du soleil, n’importe quel ressortissant du peuple peut venir profiter de cette nourriture offerte gratuitement. Les prisonniers étaient retenus par les chaînes d’or. On comprend les raisons matérielles qui retenaient les Ethiopiens dans leur berceau et les empêchaient de devenir conquérants. Toujours d’après Hérodote, lorsque Cambyse conquis l’Egypte en -525 et voulu traverser le désert de Nubie, il faillit y laisser sa vie. Le roi d’Ethiopie lui envoya ce message par l’intermédiaire de ses propres agents : « dites au Roi des perses qu’Amon n’a pas mis dans le cœur des Ethiopiens le dessein d’aller conquérir les terres étrangères ; mais qu’il se garde bien de venir les attaquer tant qu’il ne pourra pas bander cet arc. » D’après Hérodote toujours, le respect de la personnalité était tel que le condamné à mort devait se supprimer lui-même chez lui. S’il tentait de s’enfuir, c’est sa mère qui devait le supprimer. Bien sûr la condamnation était justifiée par un crime contre l’humanité et la société.

Egypte

Elle est l’un des pays d’Afrique où le matriarcat fut le plus manifeste et le plus durable. 4241 ans avant notre ère, le calendrier était déjà en usage en Egypte. Cela veut dire que les Egyptiens étaient arrivés à acquérir des connaissances scientifiques théoriques ou pratiques suffisantes pour inventer un calendrier dont la périodicité est de 1461 ans. C’est l’intervalle qui sépare deux levers héliaques de l’étoile Sothis ou Sirus. Le mythe d’Isis ou Osiris est antérieur à cette date, puisqu’il est à l’origine de la nation égyptienne. Le mariage entre frères et sœurs est resté longtemps dans la famille royale puisqu’ Isis et Osiris sont frère et sœur, mais aussi époux et épouse. Pendant la longue période de son histoire, l’Egypte a initié tous les jeunes peuples de la méditerranée, sans que sa structure sociale cesse d’être matriarcale. Elle n’a pas évolué vers le patriarcat. Le caractère matriarcal et agraire de la société égyptienne est suffisamment exprimé dans le mythe d’Isis et d’Osiris, tel que décrit par Frazer : Osiris est le dieu du blé, l’esprit de l’ordre, le dieu de la fertilité. Il meurt et revient à la vie chaque année. C’est pour cela que lors de la fête de la mort, on enterrait un mélange de blé et de terre, pour qu’il ressuscite avec de nouvelles récoltes. Selon Frazer toujours, Isis était à l’origine, une déesse de la fécondité, la grande et bienfaisante Déesse-Mère dont l’influence et l’amour règnent partout. Elle est aussi la Déesse du blé dont-elle aurait inventé la culture selon Diodore de Sicile et Saint Augustin. La tradition égyptienne vient confirmer ce fait en attribuant aux femmes un rôle actif dans la découverte de l’agriculture. A l’époque des moissons, les égyptiens faisaient des cérémonies en l’honneur d’Isis créatrice de la verdure, Dame du pain, Dame de la bière, maîtresse de l’abondance, personnifiant le champ de blé. Les grecs l’identifiaient également à Déméter et la considéraient comme une déesse du blé. C’est elle qui a donné naissance aux fruits de la terre. Le fondement du mystère d’Isis et d’Osiris est donc, essentiellement, la vie agraire. La monogamie était la règle à l’origine, puisque Osiris n’avait qu’une seule femme, Isis. Seth, le frère d’Osiris, est également monogame. Sa femme, qui est aussi sa sœur, est Nephtys. Jusqu’à la fin de l’histoire égyptienne, le peuple est resté monogame. La famille royale et les dignitaires de la cour, seuls, ont pratiqué la polygamie, à des degrés différents selon leur fortune. Celle-ci est apparue comme un luxe de la vie familiale et sociale au lieu d’en être le fondement primordial. Le mariage avec sa sœur est une conséquence du droit matrilinéaire. Dans le régime agricole, la femme est le pivot de la société. C’est elle qui transmet tous les droits politiques et autres. Elle est l’élément fixe par rapport à l’homme qui peut voyager, émigrer. A l’origine, c’est à la femme que revenait l’ensemble de l’héritage. Puisque l’enfant hérite de son oncle maternel, le fils du pharaon qui a épousé sa sœur peut succéder à son père, qui est aussi son oncle maternel (frère de sa mère). Ce fait évite les conflits liés à la succession du pharaon. Horus pouvait succéder à Osiris qui était son père et son oncle maternel. Les femmes égyptiennes circulaient librement sans voile. Le respect de la mère était le plus sacré des devoirs. Aucun document historique ne relate un cas de mauvais traitement systématique des femmes égyptiennes par les hommes. Dans un texte égyptien, est consigné ceci : « quand tu es né, elle (la mère) s’est faite esclave réellement : les tâches plus ingrates ne rebutaient pas son cœur au point de lui faire dire : « Ai-je besoin de m’imposer cela ? » Quand tu allais à l’école pour t’instruire, elle s’installait près de ton maître, apportant chaque jour les pains et la bière de la maison. Et maintenant que tu es grand, que tu te maries, que tu fondes une famille à ton tour, aie toujours présent tous les soins que ta mère a pris pour toi, afin qu’elle n’ait rien à te reprocher et ne lève les mains vers le dieu, car il exauce sa malédiction».

Libye

A partir du second millénaire et, vraisemblablement aux environs de – 1500, la région occidentale du Delta fut envahie par des peuplades d’indo-Européens, grands, blonds, aux yeux bleus, vêtus de peaux de bêtes. Ce sont ces tribus nomades qui s’installeront autour du Lac Triton qui deviendront les Libyens. On les appelle aussi quelque fois Tehenou. Les Libyens ont fait des coalitions dirigées contre l’Egypte. La plus importante fut fomentée sous Mernephtah au temps de la XIX dynastie. Toutes ces coalitions furent défaites. Les libyens étant des Indo-Européens émigrés du berceau nordique et étant restés nomades n’ont jamais pratiqué le matriarcat.

Afrique noire

L’histoire de l’Afrique noire est connue depuis l’empire du Ghana jusqu’à nos jours. Mais l’essentiel de cette histoire reste à chercher. L’histoire du Ghana est connue, dans ses grandes lignes, grâce aux textes des écrivains arabes (Ibn Khaldoum, Ibn Haoukal, El Bekni, Ibn Botouta). Les renseignements fournis par ces divers auteurs nous apprennent entre autres qu’à Ghana la filiation était matrilinéaire, en particulier pour la succession au trône. La dynastie royale était celle des Sorakollé. Les écrivains tentent de montrer que les premières dynasties ayant régné sur le Ghana étaient de race blanche. Or à cette époque l’Arabie était sous la domination du Soudan. Une force ne pouvait pas y venir au point de régner sur le Ghana. En plus, les sémites pratiquent la filiation patrilinéaire. S’ils avaient été les premiers à régner sur le Ghana, la filiation serait restée patrilinéaire. Aussi, la pénétration arabe en Afrique noire est récente et ne saurait, en aucun cas, expliquer le régime matriarcal de Ghana. Le matriarcat régnait également dans l’Empire du Mali, chez les Malinké. Ibn Batouba écrit : « Elles (les reines) se nomment d’après leur oncle maternel et non d’après leur père. Ce ne sont pas les fils qui héritent des pères. Je n’ai jamais rencontré ce dernier usage autre part, excepté chez les infidèles de Malabar dans l’Inde ». Avec l’installation de l’islam, c’est-à-dire sous l’influence d’un facteur extérieur et non par évolution interne, la plupart des populations, qui, au Moyen-Age, étaient matrilinéaire sont devenues patrilinéaires, du moins en apparence. Le matriarcat africain existe à l’échelle du continent. La parenté chez les Tswana, qui vivent au Bechuanaland en Afrique du sud, est également matrilinéaire, pareil chez les Ashanti du Ghana (faire preuve d’irrespect à l’égard d’une mère équivaut à un sacrilège » et aussi chez les bantou du centre de l’Afrique. Ce règne régit tous les peuples noirs et est pratiqué en Afrique depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Ce trait culturel ne résulte pas d’une ignorance du rôle du père dans la conception de l’enfant.

 

Berceau nordique

L’aire géographique dont il est question comprend les steppes eurasiatiques, la Germanie, la Grèce, Rome et crête.

Crète

On ne savait pratiquement rien sur la Crête jusqu’à ce que Schleman en 1876 et Evans en 1900 aient entrepris des fouilles sur le théâtre des exploits homériques. Schleman n’était pas un professionnel de l’archéologie, mais un autodidacte. En se basant sur les écrits des anciens (Homère, Eschyle, Eripide, Sophocle), il découvrit les villes anciennes comme Troie, Mycénes, Tirynthe. Il parvint à transformer la légende en vérité historique. A Troie il exhuma un trésor et les soubassements d’un palais qu’il considéra comme celui de Priam. A Mycènes il avait déterré un seul œuf d’autruche qui, vraisemblablement, venait d’Afrique. Avec toutes ses découvertes, il pressentit qu’autrefois une même civilisation originaire d’Afrique ou d’Asie s’était étendue en méditerranée orientale.

C’est à Sir. Evans qu’il appartiendra de prouver l’existence de la civilisation égéenne en exhumant le palais de Minos à Crossos. Crête était bien le foyer d’un empire maritime dont les villes continentales étaient ses colonies. Par son commerce, elle était en rapport avec le monde méridional et, en particulier, avec l’Egypte depuis la préhistoire. A crête, le régime matriarcal était en vigueur comme en Egypte. Le Crétois appelait son pays natal sa Matrie. Le crétois n’était ni indo-européen ni un sémite où un jaune. Il était petit et brun et devait appartenir à la race métissée de très bonne heure. Avec son matriarcat, on peut affirmer que la civilisation crétoise était originaire du berceau agricole. L’influence de la crête s’est implantée en méditerranée. Peut-être que le matriarcat des premières populations aborigènes de l’Attique est dû partiellement à la Crête. Sir. Evans attribue la destruction de la Crête à un phénomène naturel comme le tremblement de terre, car sa population n’a pas eu le temps de réaliser la cause de leur mort. Sir Evans le dit parce qu’il a assisté à un tremblement de terre dans la région et en -1500, la région a connu un tremblement de terre. Or la crête a existé de -2500 à -1500.

Grèce

La Grèce commence à exister historiquement après la destruction de la civilisation crétoise. Les Achéens, tribu indo-européenne, en seraient les responsables comme le montre André Aymord. L’auteur souligne l’influence crétoise dans la société achéenne qui s’est enrichie matériellement et spirituellement grâce aux besoins et aux institutions pris à la Crête : « pourtant, excellents guerriers utilisant le cheval attelé au char, pleins de force fraiche et expansive, attirés par la richesse de leurs éducateurs, les Achéens finirent par attaquer ceux-ci. Vers -1400, le palais de Crossos fut détruit de fond en comble, et ne se releva pas… En pillant l’île et en ne lui laissant plus mener qu’une vie amoindrie, les achéens amenèrent des ouvriers afin d’embellir leur propre existence matérielle. » En plus de l’influence de Crête, la Grèce a dû connaître aussi l’influence les Egyptiens et des phéniciens. C’est à ce moment que les phéniciens, symbolisé par Cadmus, prenant la relève des crétois sur mer, introduisent l’alphabet et fondèrent l’oracle de Dodone, considéré comme le plus ancien centre culturel de la Grèce. D’après Hérodote, presque tous les dieux de la Grèce sont originaires d’Egypte.

La lutte que ces Grecs ont engagée par la suite pour rejeter les valeurs culturelles méridionales est exprimée dans une légende qui relate des faits datant du règne de Cécrops : «Cécrops convoqua les citoyens en assemblée, à cette époque il était d’usage de faire participer les femmes aux délibérations publiques. Alors, les hommes votèrent pour Neptune, et les femmes pour Minerve ; et comme il y avait une femme de plus, ce fut Minerve qui l’emporta. Neptune, ainsi rebuté, se courrouça, et la mer recouvrit la terre des Athéniens. Pour apaiser la colère du dieu, les citoyens se virent forcés d’infliger trois punitions à leurs femmes : elles devaient perdre leur droit de vote ; leurs enfants ne seraient plus nommés d’après la mère ; elles-mêmes n’auraient plus le droit de s’appeler Athéniennes. » (Turel) Ce texte se situe à l’époque où les Grecs s’émancipaient des valeurs cultuelles méridionales sur leur sol. Louis Bentoew montre que Danaos avait une épouse nommée Ethiopis et une fille Céléno, dont le nom signifie : noir. Il montre que le même nom était porté aussi par la fille d’Atlas. Céléno eût de Neptune un fils appelé Célénus. Un autre Célénus, fils de Phylos, est à la base des cultes antiques du Péloponnèse. Persée, roi d’Argos, eût aussi un petit fils appelé Céléno. Céline était également la fille de proelus, roi de Tirynthe. La déesse Diane de l’Attique était une éthiopienne, une Vénus noire était adorée à Corinthe. D’après Homère, à l’origine les îles Samothrace, Lemnos et Lesbos étaient appelés Ethiopie. Selon le même auteur, Pélops (qui a donné Péloponnèse, ne saurait signifier que l’homme au teint basané.)

D’après Benloew, la stratification de la population en Grèce est la suivante : une première couche composée de colons phéniciens, libyens et Egyptiens. Cette couche est vaincue par les Achéens, peuples nordique qui constituent la deuxième couche. A leur tour, les Achéens furent vaincus par les Doriens (Troisième couches) également nordiques. Autant le matriarcat de la première couche est indéniable, autant le patriarcat des autres l’est aussi. La première population était imbibée d’une culture méridionale que la seconde s’acharna à détruire. Mais il reste des traces à peine décelables de cette culture aujourd’hui. L’influence cananéenne (Phénicie) en Grèce fut profonde et serra perpétuée pendant trois siècles. Cette influence est relatée même par la Bible qui parle de Dodanim, qui n’est autre que l’oracle de Dodone : « La tradition de la Genèse dans la Bible et celle des Grecs sont d’accord pour faire de Dodome (en hébreu Dodanim) le plus ancien centre de la civilisation hellénique » (L.Benloew). Homère et Hésiode sont les poètes qui ont fixé la tradition nationale grecque. Hésiode était Béotien. Sa théogonie est directement inspirée de la théogonie phénicienne.

Rome

La situation historique présente une grande similitude avec la Grèce : occupation du sol par des peuples aborigènes ayant leurs moeurs propres, invasion et destruction de ces peuples par des éléments nomades du Nord arrivés tardivement. Certains faits semblent indiquer que les Etrusques connaissaient le matriarcat. Ils étaient sédentaires et agriculteurs et, comme tels, pratiquaient tout un rituel pour le tracé des villes avec le sac de la charrue. Il semble que Romulus se soit inspiré de cette coutume en fondant la ville de Rome. Ils nommaient les enfants en même temps selon le nom de la mère et celui du père. Ce fait rend le matriarcat Etrusque incertain. Mais compte tenu de son caractère agricole et sédentaire et des rapports constants que ce peuple a eu avec l’Egypte, la pratique du matriarcat ne serait pas invraisemblable. Si les Etrusques avaient une origine asiatique, s’ils étaient les réfugiés de Troie comme le suppose la plupart des auteurs, ils auraient été les alliés de l’Egypte. Car l’Ethiopie et l’Egypte avaient envoyé dix mille éthiopiens pour soutenir Priam à la guerre de Troie, quand Troie était assiégé par les grecs. En Egyptien ancien, Rome, dont on ne connait pas l’origine étymologique, pourrait se rattacher à la racine Rometou signifiant « les hommes ». La légende liée à la fondation de la ville révèle des pratiques totémiques qui semblent étrangère au berceau nordique. Ce fond primitif de population sera complétement rasé à l’arrivée des véritables Indo-européens : les latins. Leur matriarcat est aussi balayé et les latins inaugurent le règne du patriarcat. Ça n’a pas été un passage du matriarcat au patriarcat par une évolution, mais par la conquête. D’ailleurs Caton, l’un des plus grands hommes politiques de Rome, exprime le caractère toujours patriarcal des latins en ces termes : « Nos ancêtres n’ont pas permis aux femmes de traiter des affaires même domestique, sans aucune autonomisation spéciale ; ils n’ont jamais cessé de les tenir dans la dépendance de leurs pères, de leurs frères, de leurs maris… » A l’origine, l’assujettissement des femmes était total et ne s’est assoupli qu’avec le temps. A ce moment en Afrique, les femmes participaient à la vie publique avec droit de vote, pouvaient être reines, jouissaient de toute leur personnalité juridique égale à celle de l’homme.

Germanie

On doit à César et à Tacite les quelques renseignements qu’on possède sur la Germanie. Ils étaient encore semi-nomades et luttaient de toutes leurs forces contre la sédentarisation définitive. Ils restaient conscients de leur passé pastoral et refusaient sciemment de se consacrer à l’agriculture. Ils pratiquaient l’incinération. La polygamie était en vigueur chez tous ceux qui avaient les moyens. Ils se livraient au même titre que les Romains à de guerres dévastatrices. D’après Fustel de Coulanges, ces derniers ne s’attaquaient pas seulement aux hommes, mais à la nature environnante, aux récoltes… : « Le plus grand honneur pour les cités est d’avoir autour d’elles des frontières dévastées et d’immenses solitudes. Ils croient que le propre du courage est de forcer les peuples voisins à désister leurs territoires et de ne voir personne qui ose s’établir près d’eux … » (César, La guerre des Gaules, Livre 6, chapitre 22 et 23). Tacite continue : « C’est à leur yeux paresse et lâcheté que d’acquérir par la sueur ce qu’ils peuvent se procurer par le sang… » Un passage de Tacite, relatif à l’importance de l’oncle maternel chez les Germains, a fait penser souvent que ces derniers connaissaient le matriarcat. Cette opinion serait fondée si le neveu héritait de l’oncle dans la société germanique. Mais Tacite nous apprend le contraire. Le fils hérite de son père. Ceci se justifie par l’influence des peuples et de la culture méridionaux sur les germains et les barbares en général. Ceci à travers les produits manufacturés que leur apportait la Phénicie. Les germains suèves croyaient en Isis. Or c’est dans la religion que les peuples sont les plus imperméables. L’influence méridionale s’est étendue jusqu’à l’Angleterre, probablement par le truchement des phéniciens qui allaient y chercher l’étain. Tacite poursuit : « Isis, Osiris, Sérapis, Anubis, ont eu des autels à Fréjus, à Nîmes et Arles, à Riez… Cette influence étrangère méridionale dans le nord de l’Europe et dans toute la Méditerranée est attestée même par des fossiles linguistiques.

Scythie

Le cas des scythes est d’autant plus important qu’ils semblent constituer le groupement humain demeuré le plus proche de l’Etat et du berceau primitif indo-européens. Lorsqu’un roi meurt, ils promènent son corps de tribu en tribu après l’avoir embaumé à la manière égyptienne. Chaque fois que le cortège funèbre arrive dans une tribu, les membres de celle-ci se livrent à toutes sortes de mutilations. On se coupe un bout de l’oreille, on se tord les cheveux, d’autres se font des incisions aux bras ou se déchirent le front ou le nez, certains s’enfoncent les flèches dans la main gauche… Le principe d’enterrement des rois scythes semble être inspirer des mœurs égyptiennes, mais la cruauté qui s’y greffe est un trait culturel afférent au berceau nordique eurasiatique : « ils étranglent donc une cinquantaine de ses serviteurs, et cinquante chevaux les plus beaux… » La vie était fondée sur une organisation sociale patriarcale avec une tendance exagérée. Pendant les fêtes saquaïques de Milita, un esclave était intronisé, des courtisanes et toutes les autres appartenances de la royauté étaient à sa disposition, après quoi il était brûlé vif. Une proximité totale était de règle durant la fête. La religion exigeait que les femmes se prostituent dans les temples (lieux sacrés). Ce genre de promiscuité, ainsi que les mythes de Ganymède, de Sodome et Gomorrhe sont spécifiques de l’Eurasie et n’ont pas leur équivalent dans la tradition, la mythologie, et la littérature africaine, qu’il s’agisse de l’Egypte ou de l’Afrique noire. Engels, étudiant la prostitution des filles consacrées à Anaîtis et Milita, aboutit à la même conclusion : « de semblables usages à travestissement religieux sont communs à presque tous les peuples asiatiques entre la méditerranée et le Gange. » Tous les historiens et ethnologues qui ont comparé les sociétés africaines et asiatiques ont été amenées à considérer l’Asie occidentale comme la terre de la luxure par opposition à la santé des mœurs africaines.

 

Zones de confluence

L’Asie occidentale est la véritable zone de confluence des deux berceaux, celle qui a été le plus âprement disputée par les deux mondes.

Arabie

Elle fut d’abord peuplée par les éléments méridionaux qui furent plus tard submergés par des populations venues du Nord et de l’est. Selon Lenormand un empire koushite se serait constitué primitivement sur toute l’Arabie. Ce fut l’époque personnifiée par les Adites (De Ad, petit-fils de Cham). Cheddade, fils d’Ad et constructeur du légendaire « paradis terrestre » mentionné dans le Coran, appartient à cette période des premiers Adites. L’empire Adite fut détruit au XVIIIe siècle av J. C par les tribus Jectanides incultes. La prophétie de Hud concerne cette invasion. Mais l’élément koushite reprit très vite ce contrôle, inaugurant l’époque des seconds Adites. Le métissage de ces deux peuples (Adites et Jectanides) donnera ceux qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les sémites. Lenormand pense que l’Arabie est le pays de Pout et de la reine de Saba. La Bible situe dans le même pays un des fils de Cham, Put. Les Jectanides reprendront le contrôle et vainquirent les Adites. Une partie des Adites franchit la mer rouge pour s’installer en Ethiopie tandis qu’une autre partie se refugiait sur les montagnes de l’Hadramant et autres endroits, d’où le proverbe arabe: « se diviser comme les sabéens ».

Le régime des castes, étrangers aux « sémites et aux Aryens » était à la base de l’organisation sociale, comme à Babylone, en Egypte, en Afrique noire, au Royaume de Malabar en Inde. Ce régime est essentiellement koushile et partout où on le trouve, il est facile de constater qu’il procède originairement de cette race. Lockmon, le représentant mythique de la sagesse Adite est aussi le constructeur de la fameuse digue de Mareb dont les eaux suffisaient à arroser et à fertiliser la plaine jusqu’à sept journées de marche auteur de la ville. Il en existe encore les ruines de cette digue. Les Jectanides qui étaient encore barbares à leur arrivée, n’introduisirent que le système des tribus pastorales caractéristiques du berceau nordique et la féodalité militaire. La religion koushile restera inchangée jusqu’à l’avènement de l’islam. Tous les éléments de l’islam étaient déjà présents 1000 ans avant la naissance de Mahomet (pèlerinage à la Mecque, prière sept fois par jour que le « prophète » a ramené à cinq obligatoires et deux facultatives. L’islam est apparu comme une épuration du sabéisme par « l’envoyé de Dieu ».

Il est remarquable que beaucoup de termes religieux arabes puissent être obtenus par une simple combinaison des trois notions ontologique égyptiennes BA, RA et KA on peut citer :

KABAR = action de lever les mains pour prier

RAKA = Action de poser le front sur la terre

KAABA=Lieu saint de la Mecque

Le matriarcat y était pratiqué. Le règne de la reine de Saba qui dominait à la fois l’Ethiopie et l’Arabie méridionale fut le plus glorieux et le plus célèbre de l’histoire de cette région. Le triomphe de l’élément nordique s’accompagnera d’une prépondérance du système patriarcal teinté de survivances du régime antérieur. Ainsi, la dot est donnée à la femme, comme dans le régime matriarcal

Phénicie

Israël commence à être dans les textes égyptiens quand la civilisation phénicienne (Canaan) est déjà millénaire. Selon la Bible, quand les éléments nordiques sont arrivés sur les lieux, ils y ont trouvé un peuple du sud : les cananéens, descendant de Canaan, frère de Mizraïm l’égyptien et de Koush l’Ethiopien, tous fils de Cham. Après de multiples péripéties, les cananéens et les tribus nordiques, symbolisées par Abraham et sa descendance fusionnèrent pour devenir le peuple hébreu d’aujourd’hui. Les cananéens, plus tard appelés phéniciens, étaient donc à l’origine des méridionaux sédentaires agricoles, auxquels sont venu se mêler, par la suite, des tribus nomades venus du Nord-est. C’est-ce qui justifie le fait que, dans les périodes les plus troublées de son histoire, l’Egypte pouvait compter sur la Phénicie comme on peut, en quelque sorte compter sur son frère. Un papyrus du musée britannique contient le récit du voyage fait en Syrie (territoire allant de la Babylonie au golf d’Issus à l’époque) par un fonctionnaire égyptien à la fin du règne de Rames II. Le voyageur est sur terre égyptienne, il circule avec la même liberté, la même sécurité que dans la vallée du Nil, en vertu de ses fonctions, il y fait même des actes d’autorité. Les croyances cananéennes ne sont que les répliques de celles de l’Egypte. Les dieux sont les mêmes, avec les mêmes attributs. Les récentes découvertes archéologiques confirment l’origine méridionale des cananéens.Les phéniciens, dans la mesure où ils ont fusionné avec les hébreux, constituent ce qu’on appelle la première branche sémite, à partir d’Abraham, lignée d’Isaac, tandis que les arabes forment la seconde branche, lignée d’Ismaël.

Indus et Mésopotamie

Les sites de Mohenjo-Daro et de Honappa ont révèlé l’existence d’une civilisation urbaine et agricole remontant vraisemblablement au troisième millénaire, qui a périclité brusquement (1500 ans avant J.C), avec l’invasion des Aryens. La langue parlée, d’après les spécialistes, était dravidienne ou mouna. Les fouilles archéologiques ont donné la preuve qu’à l’époque d’El Obeid en Mésopotamie, la civilisation de l’Indus avait déjà atteint son apogée. C’est la raison pour laquelle on a de plus en plus tendance à expliquer la Mésopotamie par les civilisations de l’Indus. Cette dernière, comme toutes ces civilisations de l’Indus méridionales restèrent stables jusqu’à leur destruction par un élément extérieur : l’invasion aryenne. On y pratiquait le culte de la fécondité, qui est l’indice d’une vie sédentaire, agricole et matriarcale. Il est imputable à l’élément méridional aborigène qui a précédé l’élément nordique dans la presqu’île. La race dravidienne (nez écrasé, peau sombre d’après Jeannine Auboyer) opposa une résistance aux Aryens, avant de se métisser avec eux plus tard. Au nomadisme des nouveaux venus s’opposait la vie sédentaire et agricole des Dravidiens. Sur la presqu’île indienne, les cultures méridionales et nordiques se superposent.

 

Matriarcat et patriarcat se superposent.

Mésopotamie

A l’origine, aux environs de -3000, il faut distinguer trois régions : l’ancien Elam ou Susiane, Sumer avec pour capitale Akkad et Agadé. A Elam, en démolissant le mur sassanide construit avec des matériaux plus anciens trouvés sur les lieux, on découvrit des monuments qui remontent à la période élamite de l’histoire de Suse. On découvrit une urne funéraire et autour d’elle une gaine en maçonnerie composée de briques émaillées. Le monument était celui d’une noire, superbement vêtue d’une robe verte, surchargée de broderies jaunes, bleues et blanches, d’une peau de tigre et portant une canne en or : le docteur Conteneau qui décrit le personnage continu : « seuls les puissants personnages avaient le droit de porter de hautes cannes et des bracelets. Seul le gouverneur d’une place de guerre pouvait en faire broder l’image sur sa tunique. Or, le propriétaire de la canne, le maître de la citadelle est noir : si Elam a été l’apanage d’une dynastie noire, et si l’on s’en réfère même aux caractères de la figure déjà trouvée, d’une dynastie éthiopienne, serait-on en présence de l’un de ces Ethiopiens du levant dont parle Homère?» De très bonne heure, cet élément méridional a dû se métisser avec un élément nordique. C’est ce qui semble attester le métissage de la population actuelle. L’invasion aryenne, à partir du plateau de l’Iran, sera ininterrompue.

Quant aux Sumériens, on n’a pas encore percé le mystère de leur origine, mais on sait qu’ils n’étaient ni aryens, ni sémites, ni jaunes. Ils étaient sédentaires et agriculteurs. Toute la première période de son histoire ne nous est connue que par influences à partir du code d’Hammourabi. En étudiant de près les documents babyloniens, les spécialistes s’aperçurent que cette époque n’est pas un début. Et c’est ainsi qu’on découvrit la période sumérienne. Le seul règne de la période sumérienne qui a laissé des vestiges assez mémorables est celui de Goudéa. Il s’agit d’une série de statues faites sur la diorite noire. L’une de ces statues, trouvée à Tello, représente Goudéa tenant sur ses genoux le plan d’un temple destiné au dieu Nin-Girsou. La condition de la femme a rétrogradé avec les Sémites. Auparavant, la femme jouissait d’une personnalité juridique supérieure à celle de la grecque et de la romaine. Une monogamie tempérée était de règle. L’enfant né du mariage d’une fille libre et d’un homme esclave était libre comme sa mère. Ce fait rejoint le point de vue méridional et matriarcal, selon lequel l’enfant est ce qu’est sa mère. Ce fait semble ici triompher dans le code d’Hammourabi. Qu’Hammourabi soit sémite, la société qu’il a organisée par sa législation était imprégnée du koushitisme. Tout se passe comme si un fond koushite se perpétuait sur le plan culturel, malgré les changements ethniques, fréquents dans cette région. Mais ce fond devait s’altérer profondément avec le temps. Lenormant étudie la société sumérienne et découvre la société à castes rencontrées dans le monde nègre.

L’origine des chaldéens n’est pas plus certaine que celle des sumériens. Le premier groupement humain auquel la Chaldée doit son nom est une caste de prêtres égyptiens qui avaient émigrée et qui, s’étant fixée sur le Haut-Euphrate, continuait à pratiquer et à enseigner l’astrologie selon les principes transmis par la caste mère. Cette caste a été envahie par un élément ethnique différent, mais sa résistance est restée vivace sur le plan intellectuel et spirituel. Vers-1250, les assyriens s’emparent de Babylone. Ils établirent une société patriarcale.

Byzance

L’empire Romain survécut en orient, pendant 9 siècles, avec Byzance pour capitale, qui était devenue la ville de Constantin, ou Constantinople. Aucun texte, aucun usage ne réglait la succession au trône. Quelques fois les empereurs de leur vivant, associaient leur héritier au trône, comme ce fut le cas de Justinien secondé par sa femme. L’impératrice de Charlemagne appartient à quelques reines asiatiques dont l’ascension relève de l’influence méridionale. Il en sera de même plus tard pour les reines de la Russie tsariste qui a subi l’influence de Byzance. Dans toute l’étendue de la zone confluence, on a pu mettre en évidence la préexistence d’un socle méridional qui sera tardivement recouvert par un apport nordique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre IV

Anomalies relevées dans les trois zones et leur explication

Afrique

Même dans ce berceau qui parait celui du matriarcat par excellence, on relève des faits qui, au premier abord, apparaissent surprenants, voire contradictoires.

Règne de la reine Hatchepsout

Elle est la première femme à régner dans l’histoire de l’humanité. Elle était la seule enfant vivante de la reine Ahmosis et de Thoutmosis Ier. Quelque temps avant sa mort, Thoutmosis Ier couronna Hatchepsout, sa fille, et la maria à Thoutmosis II, fils d’une autre de ses femmes. D’après Maspero, Hatchepsout tenait de sa mère Ahmosis, et de sa grand-mère Akhotpou et de son père Thoutmosis Ier, plus de droits à la succession que son mari et frère Thoutmosis II. On voit ici le matriarcat régnant : c’est la noblesse plus ou moins grande de la mère qui soutient les droits de succession au trône, à l’exclusion de ceux du père. Maspero ajoute qu’aux yeux de la nation égyptienne, Hatchepsout était l’héritière légitime. Elle eût une fille avec Thoutmosis II. Thoutmosis II eût un fils avec une autre femme qu’il nomma Thoutmosis III, qu’il fit associer au trône. Hatchepsout joua le rôle de mère pour lui et le maria à sa fille. De ce fait, Thoutmosis III succéda à Hatchepsout comme pharaon d’Egypte. En réalité, il semble qu’en Egypte c’est la femme qui hérite des droits politiques, mais qu’étant donné son infériorité physique naturelle, c’est son mari qui règne alors qu’elle assure la continuité utérine de la dynastie. Hatchepsout commence à régner véritablement après la mort de son mari et frère Thoutmosis II, compte tenu aussi de la jeunesse de Thoutmosis III.

Epoque ptolémaïque

Elle correspond à la XXVIIIe dynastie qui est aussi la dernière dynastie étrangère. Après l’Egypte deviendra une province romaine. Les souverains grecs s’adaptèrent à la tradition et aux mœurs égyptiennes : c’est ainsi que le mariage entre frère et soeur fut pratiqué par eux. C’est le cas de Ptolémée IV qui, après avoir assassiné son père, épouse sa soeur, se lasse d’elle et l’assassine à son tour. Amelineau écrit : « Ptolémée VI monta sur le trône à l’âge de cinq ans. A sa mort, son frère Ptolémée Evergète II s’empara du trône d’Egypte, épousa ses deux soeurs, mais dut fuir le trône suite aux intrigues de sa mère Cléopâtre. Il fit assassiner sa mère. Après sa mort, il fut remplacé par sa fille Bérénice. Alexandre II l’épousa pour devenir roi et l’assassinat ensuite. Le peuple égyptien ne pardonnera pas ce geste et le chassa. Dans son testament, il légua l’Egypte à Rome. Puis, arrive le règne d’Aurèle qui fut chassé et remplacé par ses deux filles Cléopâtre. Les romains remirent Aulète sur le trône. Il en profita pour assassiner sa fille Bérénice et tous ses partisans. » Le fils ainé d’Aulète et sa sœur Cléopâtre (celle qui restera célèbre dans l’histoire) montèrent au trône après la mort de leur père. Elle épousa successivement ses deux frères, morts l’un après l’autre. Chassée par les égyptiens, elle fut réimposée au trône par les troupes de Jules César avec qui elle eût un enfant : Ptolémée Césarion. Elle séduit Antoine de Tarse, qui fut malheureusement vaincue par Octave. La reine comptait séduire octave qui résista à son charme. Se sentant perdu après avoir intrigué son principal allié Rome, Cléopâtre mit fin à ses jours en se laissant piquer par un aspic. L’Egypte tomba sous la domination romaine. Malgré ce matriarcat adoptif imposé aux souverains grecs par la tradition de la royauté égyptienne, la violence et les intrigues continuent à régler le véritable sort des princes et des princesses. Les reines font davantage figure de courtisanes et d’intrigantes que de reines authentiques accréditées par la tradition. La violence et les assassinats qui accompagnent les reines grecs sont étrangers à la tradition matriarcale.

Amazonisme

Selon Diodore de Sicile, les amazones dites d’Afrique habitaient jadis la Libye. Elles ont disparu plusieurs générations avant la guerre de Troie, alors que celles de Thermodon, en Asie Mineure, florissaient encore. Il y eût, en Libye, plusieurs races de femmes guerrières, dont les Gorgones contre lesquelles Persée a combattu. A l’ouest du pays, les amazones assurent les fonctions de magistrature et de l’armée. Les hommes sont tenus à l’écart de ces fonctions. Après l’accouchement des femmes, ils servent de nourrices. Ils sont estropiés à la naissance pour être inaptes à porter les armes. Les femmes subissent une ablation du sein droit pour mieux tirer à l’arc. Les amazones soumirent toutes les villes de l’île Hespéra, sauf Méné, considérée comme sacrée et habitée par les Ethiopiens Ichyophages. Myrina, reine des amazones, disposait d’une cavalerie de 2000 femmes. Les amazones et les Gorgones furent exterminées par Hercule lors d’une expédition dans l’occident. Pendant son règne, Myrina entra en Egypte, se lia d’amitié avec Horus fils d’Isis alors roi du pays. De là, elle soumit les Arabes, subjugua la Syrie, la Sicile, la Phrygie. Elle fonda Cyme, Pilane, Priène.

L’amazonisme n’a rien de matriarcat. Elle est plutôt la vengeance impitoyable et systémique d’un sexe sur l’autre. Ceci tient aussi du fait qu’à une certaine période, les hommes du berceau nordique traitaient les femmes comme des esclaves. Dans l’amazonisme, l’éducation de l’homme était conçue de façon à lui inculquer des sentiments de bassesse. Il eût été éliminé purement et simplement si l’on n’avait pas besoin de lui pour la procréation. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit que les amazones (d’Afrique ou d’Asie Mineure) habitent exclusivement chez les populations Aryennes, nomades, pratiquant le régime patriarcal le plus outrancier. La nature par excellence des Amazones est le cheval, or il est communément admis que l’Egypte ne connait le cheval qu’avec l’invasion des Hyksos. Les amazones pratiquent l’incinération si caractéristique du berceau nordique. Elles combattent toutes les villes sauf celle des Ethiopiens considérée comme sacrée. Elles se nouent d’amitié avec Horus. Mais elles attaquent le caractère patriarcal. En réalité, les amazones vengent les femmes dans toutes les contrées où elles sont marginalisées et nouent des amitiés avec les contrées où les femmes s’épanouissent. Il est faux de supposer qu’il existe des amazones un peu partout dans le monde. C’est par une assimilation abusive qu’on a étendu cette appellation à des femmes d’Amérique du sud, sous prétexte qu’elles se battaient comme des hommes alors qu’elles ne méprisent pas les hommes. Cette erreur a fait qu’on a parlé des amazones du Dahomey. Pour s’affranchir de la tutelle du Bénin, le roi Ghézo du Dahomey (1818-1858), luttant contre les Yourouba créa des compagnies féminines de cavalerie qui combattirent avec une telle énergie que les historiens modernes les assimilent aux Amazones. Ces compagnies étaient créées et encadrées par les hommes. Ce qui est différent de l’esprit des Amazones qui ne pouvaient combattre sous les ordres masculins. La haine de l’homme leur est étrangère.

Le matriarcat peul

Plusieurs difficultés entourent l’étude de la communauté peule. La première est qu’ils sont nomades, mais pratiquent le matriarcat. Pour comprendre ce fait, il faut remonter à leur origine. Ils sont originaires d’Egypte antique et certains d’entre eux appartiennent à la branche royale des anciennes dynasties pharaoniques. Ceci à partir de leurs deux seuls noms totémiques le Ba et le Ka, dont portait seulement le pharaon avant la révolution prolétarienne qui a eu lieu en Egypte pharaonique. La langue peule est parenté aux autres langues d’Afrique noire. Ces faits fauchent l’idée selon laquelle les peuls étaient à l’origine des blancs avant de devenir noirs avec le temps. Si c’était le cas, la langue ne serait pas une langue africaine. C’est ce qui justifie aussi le fait que malgré leur métissage avec un élément extérieur ils aient gardé le système du matriarcat comme base de l’organisation sociale, malgré leur nomadisme. Après la conquête de l’Egypte par l’étranger, les peuls y sont encore restés longtemps et se sont métissés avec les conquérants avant de migrer tardivement vers le sud de l’Afrique. Ils ont adopté le nomadisme du conquérant. Ils ne sont d’ailleurs pas nomades au sens strict du terme, ils sont semi-nomades. Ils ont des villages un peu partout en Afrique. Les jeunes se déplacent pour trouver des prairies pour les boeufs et reviennent au village en fin de saison.

Patriarcat africain

La famille africaine actuelle évolue vers un patriarcat plus ou moins atténuée par les origines matriarcales de la société. Les facteurs extérieurs comme l’Islam et le christianisme jouent un rôle déterminant dans cette transformation. A ceci s’ajoute la présence temporelle de l’Europe en Afrique. L’africain islamisé ou christianisé (catholique ou protestant) est automatiquement régi par le régime du patriarcat. De plus, la législation coloniale tend à donner partout un statut officiel au patriarcat. L’héritage est patrilinéaire, les différends mettant en exergue la succession paternelle et maternelle sont tranchés en faveur du droit paternel. L’Africain ne se sent plus aussi proche de son fils que de son neveu utérin. Aussi, les enfants ne portent plus le nom de leur oncle maternel, mais celui de leur père.

Polygamie

Comme les grands penseurs comme Engels le soulignent, la polygamie n’est spécifique à aucun peuple. Elle a été et elle continue d’être pratiquée par les hautes classes sociales de tous les pays sous des formes différentes. Mais la monogamie était de règle au niveau du peuple en Grèce, dans toute l’Asie, en Egypte… Il en fut de même en Afrique jusqu’au Ve siècle, qui marque l’extension de l’islam aux populations autochtones par les almoravides. La polygamie tendra alors à se généraliser sans jamais cesser d’être l’indice d’un rang social. Même dans le système de polygamie qu’on a utilisé comme témoin du mauvais traitement de la femme africaine, cette dernière est la protégée. L’homme effectue les travaux de risque, de puissance, de force et d’endurance. La femme se contente des travaux ménagers et autres que la société lui réserve. Il est impensable que l’homme partage une besogne féminine avec sa femme, telle que faire la cuisine ou laver le linge, abstraction faite de toute influence européenne. Au champ, c’est le mari qui creuse la terre qui est plus difficile, c’est lui qui pioche, abat les arbres, débroussaillent alors que la femme se contente juste de faire des billons, de semer et de sarcler. Puisque la femme passe plus de temps au champ, les ethnologues européens ont considéré cela comme un mauvais traitement qui lui est affligé par l’homme africain. A la récole dans les champs, c’est le mari qui déracine (les arachides par exemple) et la femme ramasse. Dans tous les cas, dans le travail du champ, la fraction qui revient à l’homme est nettement supérieure à celle de la femme. Le plus souvent elle rentre à la maison pour préparer les aliments qu’elle apporte au champ tandis que l’homme continue de travailler. Tandis que les Européens qui traversent l’Afrique comme les météores plaignent les conditions de la femme africaine, les femmes européennes qui séjournent en Afrique pendant longtemps les envient. La situation n’a pas changé depuis l’antiquité. Les couples qu’on voit sur les monuments africains de l’Egypte sont unis par une tendresse, une amitié, une vie intime commune, absolument introuvable dans le monde eurasiatique de l’époque : Grèce, Rome, Asie… Dans le monde eurasiatique, tandis que Dieu a créé l’homme et de lui a créé la femme, tandis que la chute de l’homme (Adam) vient de la femme (Eve), en Afrique, Amon est un Dieu qui possède les caractères masculins et féminins capables de donner la vie. Il est son père et le mari de sa mère. Il est en même temps la trinité père, mère et fils. Il possède les mêmes caractères féminins et masculins.

 

 

Eurasie

Patriarcat néogothique

Au VI millénaire, après la fonte des glaces, avec l’adoucissement du climat, les hommes se groupèrent en villages fortifiés ou en cités lacustres. Ils pratiquaient l’élevage et l’agriculture embryonnaire. Les spécialistes de la préhistoire leur attribuent la pratique du matriarcat. En réalité, on ne possède pas de documents explicites relatifs à l’organisation de la famille humaine il y a 8000 ans. Les spécialistes axent leurs études sur les sociétés actuelles qui sont au stade néolithique et en extrapolant les résultats trouvés aux époques archaïques. Le rôle prédominant de la femme dans le labeur du bêchage est exagéré. Sous quelque latitude que ce soit, il semble que les travaux les plus durs soient accomplis par les hommes.

Le matriarcat est lié au fait que, dans une vie véritablement sédentaire, la femme, au lieu d’être presque un poids mort de la société, peut apporter une contribution économique appréciable, et l’on découvre qu’elle est plus propre que l’homme à transmettre les droits d’héritage. Dans une vie sédentaire, l’homme est plus mobile que la femme dont la mission sociale semble être de rester au foyer. Le garçon de la famille africaine se déplace beaucoup et parfois ne retourne plus au foyer. Le foyer doit donc sa pérennité aux filles qui lui sont attachées. D’où la transmission matrilinéaire des intérêts familiaux. Si l’homme devait les transmettre, on voit qu’ils seraient vite compromis, perdus à l’extérieur. Ces idées sont liées aux Africains qui connaissent bien leur société. A l’époque des cités lacustres, si on en juge par l’importance des systèmes de défenses érigés pour se protéger contre la nature extérieure, ennemie numéro un, la précarité de la vie devait restreindre le rôle de la femme dans la société : celle-ci devait être pétrifiée non seulement dans une terreur religieuse, mais matérielle constamment nourrie par la lutte pour la survie, contre les animaux, les forces de la nature et les voisins. Les auteurs expliquent la présence des statuettes stéatopyges par la venue des populations méridionales en Eurasie. Dumoulin de la Plante écrit : «C’est alors qu’une migration de négroïdes du type hottentot avait, partant d’Afrique australe et centrale, submergé l’Afrique du nord, Algérie, Tunisie, Egypte et apporté, par la force, à l’Europe méditerranéenne une nouvelle civilisation : l’aurignacien. Ces bochimans sont les premiers à graver sur les rochers de grossiers dessins et à tailler ces figurines de calcaire représentant d’adipeuses, de monstrueuses femmes enceintes. Est-ce à ces Africains que le bassin intérieur de la Méditerranée dut le culte de la fécondité de la Déesse-Menzo… » La présence d’un élément méridional négroïde en Europe du Sud à l’époque aurignacienne est attestée par la présence de l’homme de Grimaldi.

Matriarcat germanique

Comme le matriarcat germanique était prouvé, il tendrait à attester l’universalité du phénomène. Bemont et Monod, s’appuyant sur les travaux de César et Tacite, décrivent la cité germanique. D’après cette description, il est difficile de considérer comme matriarcat un régime où, malgré le fait que la femme fait des présents à son mari, ce dernier peut la vendre en cas de nécessité et exposer ses enfants, où elle est exclue de l’hérédité de la terre, où le fils hérite du père et non le neveu de l’oncle, où les plus proches parents par le sang héritent à l’exclusion de ceux de filiation utérine. Puisque la fille mariée échappe à l’autorité du père et peut être vendu par le mari, c’est qu’elle ne fait plus partie de sa famille naturelle contrairement à ce qui se passerait dans un matriarcat. On est donc dans un régime patriarcal avec ses exigences les plus atroces, tels que l’exposition des enfants. En plus de l’exposition des enfants, l’enterrement des filles en bas âge considérées comme bouches inutiles étaient des politiques courantes dans tout le monde eurasiatique patriarcal où cela apparaissait souvent comme une dure nécessité. Un seul fait qui subsiste en faveur d’un matriarcat germanique c’est l’importance accordé au neveu, surtout en matière d’otage où on le préfère au fils. Cela pourrait bien être une pratique introduite par les phéniciens dans le cadre des contrats commerciaux qu’ils passaient avec les germains.

Matriarcat celtique

D’après césar, les cultes de Grande-Bretagne ont une femme pour un groupe de dix à douze hommes composé de frères, pères et fils. Celui qui a amené la femme à la maison est le père nominal des enfants qui naissent. On est ici en présence de la polyandrie qui consiste à forcer une femme contre son gré. Cette pratique est l’apanage des Indo-aryens à l’exclusion des sémites. Hubert explique la polyandrie celtique par l’infériorité économique de la femme dans le système social : les hommes ayant matériellement intérêt à introduire le moins de femmes possible dans le groupe. La société celtique est donc nettement patrilinéaire et pourvue de tous les autres traits culturels afférents à cette coutume.

Matriarcat Etrusque

Les Etrusques ont subi une forte influence méridionale, mais son matriarcat reste douteux. Aux origines de la cité, Enée, en courant dans la ville de Troie détruite, et surtout cherche à sauver son père par rapport à sa mère. Le feu sacré du foyer ne s’étendra pas, malgré la longue traversée maritime jusqu’à Rome. Le feu sacré est typiquement indo-européen. La présence des figures d’amazones dans l’art étrusque milite contre la présence du matriarcat en Etrurie.

Amazonisme du Thermodon

Diodore de Sicile relate la tradition de la reine des rives du fleuve Thermodon qui réussit à soumettre les peuples voisins. Elle contraignit les hommes à filer la laine et à se livrer à des travaux de femme. Elle fit des lois interdisant le service militaire aux hommes. Les femmes estropiaient les enfants mâles dès leur naissance, des jambes et des bras pour les rendre inaptes au service militaire. Elles brûlaient la mamelle droite aux filles afin que la proéminence du sein ne les gêne pas dans les combats. Leur reine fonda la ville de Théniscyre, agrandit son empire. Elle mourut au combat. Sa fille, jalouse d’imiter sa mère, la surpassa. Elle porta ses conquêtes jusqu’à la Thrace et Syrie et soumis de nombreux peuples. Les reines qui lui succèdent régnaient avec éclat. Le bruit de leur valeur s’étendit et Hercule a entreprit de détruire l’armée des amazones. Penthésilée, rescapée des combats, combattit auprès des troyens, allié de l’Egypte. Les amazones d’Afrique et d’Asie ont les mêmes comportements : leurs conquêtes se situent en Europe et en Asie, à l’exclusion de l’Afrique. Après leurs premières victoires, elles se sédentarisent, bâtissent des villes et se vouent à l’agriculture rejetant la vie nomade. Les reines succèdent au trône. Ceci est une réaction au régime patriarcal et non du matriarcat.

Asie : la Reine Sémiramis

Fille de Vénus et d’un berger syrien, elle fut donnée en mariage à Méronès, un courtisan du roi, et eût de lui deux enfants : Hyopaté et hydospe. Elle fut associée à tous les travaux de son mari, étant donné son intelligence. Le roi Ninus fut repoussé dans sa tentative de conquérir la Botriane. Semiramis qui était dans la suite du roi trouva les moyens de contourner les fortifications de la ville de Batres en divertissant les défenseurs, ce qui permit à Ninus de conquérir la ville. Le roi lui demanda en mariage et son mari se pendit. Le roi eût d’elle un fils. En mourant, il fit d’elle la reine. On lui attribue sinon la création, du moins l’embellissement de Babylone. Sémiramis n’est pas, comme les reines africaines, princesse de naissance, consacrée reine par la tradition. Ce sont les circonstances qui l’amènent à prendre le pouvoir. C’est donc une aventurière, comme toutes les reines asiatiques. Derrière elles, aucune tradition matriarcale. En bref, en Afrique, la femme jouit d’une liberté égale à celle de l’homme. Elle peut occuper toutes les fonctions qu’occupe ce dernier. En Asie, toute la fortune de la femme est dans l’aventure et la vie courtisane. La tradition ne lui réserve pas les mêmes droits que l’homme. En Europe, à l’époque classique, aucune aventure courtisane, aucun accident ne pouvait amener la femme à régner. Elle était assimilable à une esclave. Le mari avait sur elle droit de vie et de mort.

Matriarcat Lycien

D’après Hérodote, les Lyciens nommaient leurs enfants exclusivement d’après le nom de la mère. C’est la fille qui succédait et non le fils. Si les lyciens sont vraiment agraires de Crête, il ne serait pas étonnant qu’ils pratiquent le matriarcat. Mais en Crête, c’est la femme qui paie la dot, et son héritage lui permet de payer cette dot, contrairement à un régime matriarcal où c’est la femme qui reçoit la dot. On est donc en présence d’un régime patriarcal où la femme doit compenser son infériorité en payant la dot au mari. Le fait qu’elle hérite, caractéristique du matriarcat, montre qu’on se trouve dans une zone de confluence.

 


 

 

 


 

 

 

 

Chapitre V

Comparaison des autres aspects des cultures nordiques et méridionales

 

Conception de l’Etat : patriotisme

Afrique

La structure de la vallée du Nil a exigé de la population, dès l’installation de celle-ci, des entreprises et une activité générale commune dans les nomes et toutes les villes, pour faire face à des phénomènes naturels, tels que les crues du fleuve. Cette situation a obligé les individus à mettre sur pied un pouvoir central fort, transcendant aux individus et ayant pour but de coordonner le travail. L’Etat nait donc des conditions matérielles d’existence. Aussi, les clans primitifs fusionnèrent en divisions administratives (normes). L’Etat symbolisait l’unification administrative et culturelle. Le sentiment patriotique est avant tout un sentiment de fierté nationale. L’individu est subordonné à la collectivité, car c’est du bien public que dépend le bien individuel.

Europe

Chez les Aryens, le style nomade fait de chaque clan une entité absolue, une cellule autonome, indépendante, se suffisant elle-même. Le chef de famille n’a de compte à rendre à personne. Cette situation, née de la vie nomade, se perpétuera longtemps après la sédentarisation. Cette situation fait qu’avec la naissance de l’Etat, ce dernier n’aura aucun pouvoir pour intervenir dans la vie privée des familles. A Rome, en Grèce, pendant des siècles, on pouvait tuer son enfant, sa femme, son esclave ou les vendre sans être inquiété par l’Etat. Cette idée d’individualité va animer les cités. Entre deux cités, il y a des bornes sacrées. Quand une cité est vaincue par une autre, les vainqueurs ne pensent pas en faire une colonie, ils la saccagent, tuent tous ses habitants ou les vendent. Cet Etat d’esprit s’opposait à l’unification des territoires pour faire une nation. C’est par suite d’une influence extérieure méridionale, probablement égyptienne que les creto-latins ont accédé petit-à-petit, à la notion d’une unité nationale, d’un empire. Quand un homme se trouve en dehors de sa cité, il n’a plus de droit. Il peut être tué ou vendu, il a besoin d’un protecteur. Ce qui va exacerber le patriotisme Aryen. L’homme est en sécurité dans la cité. Or en Egypte, étrangers et égyptiens vivent ensemble ayant les mêmes droits et devoirs. Hérodote ajoute que seul un devin avait encore acquis la nationalité athénienne. Petit-à-petit, l’Etat-cité va prendre le dessus sur les institutions privées. Il se charge de l’éducation des enfants, peut ordonner à chaque citoyen ce qu’il peut faire, exile ceux d’entre eux qui sont trop vertueux, intervient jusque dans les sentiments des citoyens. La liberté individuelle était condamnée par cet Etat-cité, cet Etat était totalitaire. Or dans le sud, la liberté individuelle est réservée et la vie des citoyens respectée. Dans les lois de spartes, les enfants difformes étaient exposés et mis à mort. Nulle part en Afrique noire antique un tel fait a eu lieu. Il était même inimaginable. D’après Hérodote, lorsqu’un nubien était condamné à mort, l’Etat se contentait de lui intimer l’ordre de se supprimer et sa mère devait veiller à ce qu’il ne s’échappe pas. Concernant les sacrifices humains en Afrique noire, cette pratique est commune à toute l’humanité. Les grecs mangeaient leurs ennemis vaincus. Le généralissime grec Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie avant le départ pour Troie. Son grand-père lui avait servi la chair de ses neveux. Chez les Hébreux, c’est Abraham qui mit fin à cette pratique, en sacrifiant un bélier à la place de son fils Isaac. Contrairement à l’idée répandue, ces pratiques n’ont survécu en Afrique noire que de façon parcellaire : Dahomey et pays Mossi. L’Etat nordique, embrigadant les libertés de ses citoyens, explosera pour laisser place au type d’Etat méridional : celui qu’on pourrait appeler l’Etat territorial, par opposition à l’Etat-cité, couvrant plusieurs villes et se muant même quelque fois en Empire. Tel fut l’évolution de la cité, jusqu’au moment de son apogée. L’évolution du patriotisme sera corollaire de celle de l’Etat avec la disparition de la xénophobie aryenne.

Royauté

Dans les sociétés agricoles, la vie collective exigeait de bonne heure une activité temporelle coordonnatrice des activités. Le roi prit un caractère supranaturel, divin. Le roi est Dieu. Chez les Aryens, le roi est tout au plus l’intermédiaire entre divinité et le commun des mortels. Le roi est un homme aux yeux de tous. Il était roi-prêtre aux époques les plus reculés, mais pas dieu. Le choix du roi africain est lié à l’idée qu’il se fait des êtres, à une métaphysique. Pour le nègre, l’univers est morcelé en une série d’êtres hiérarchisés quantitativement, qualitativement et en fonction des forces. Ces forces sont additives : si je porte sur moi, sous forme de talisman, amulette, fétiche… l’organe où la force vitale d’un animal est censée se localiser (griffes ou croc de lion par exemple), j’ajoute cette force à la mienne… Pour qu’un ennemi venu de l’extérieur puisse me détruire d’une façon ontologique, et par voie de conséquence d’une façon physique, il faut qu’il totalise, par des moyens similaires, une somme de forces vitales supérieures à celle dont je dispose maintenant que je me suis associé celle du lion. Cet univers de force est assujetti à une pesanteur. Si l’ordre naturel des choses est troublé, il s’en suit des sècheresses, des mauvaises récoltes, des nuages de sauterelles, des épidémies… Donc l’ordre des choses exige que l’homme qu’il faut soit à la place qu’il faut. Telle est la nécessité qui préside au choix du roi. Le roi doit être celui qui dispose de la plus grande quantité de force vitale. C’est dans cette condition seulement que le pays ne connaitra pas les calamités. Hérodote affirme que : « Les Ethiopiens Macrobiens désignaient comme roi le plus fort et le plus saint d’entre eux. » C’est également ce qui justifie la fête de Zed en Egypte où le roi vieux est mis à mort rituellement et remplacé par un roi plus jeune. Etant vieux, sa force vital est sensiblement diminuée. S’il continu de régner, il sera désormais un danger pour le pays. D’autres cérémonies sont organisées pour augmenter sa force vitale. Parmi les peuples qui pratiquent encore la mise à mort rituelle du roi, on peut citer : les Mboum de l’Afrique centrale, les Yoruba, Dagomba, Tchamba, Djoukon, Igone, Songhaï, Woudaï, Haoussa de Gobir, du Katsena et de Daoune, le Shillouk.

Le roi africain se distingue du roi nordique par son essence divine et par le caractère vitaliste de ses fonctions. L’un est un homme prêtre l’autre est un dieu prêtre parmi les vivants. Le roi d’Egypte est bien le Dieu-Faucon. En Egypte et en Ethiopie le roi est le plus grand cultivateur, on le voit souvent dans les représentations donnant le premier coup de pioche pour commencer le creusement du canal. Le peuple ne trouvait pas de problème à lui verser une partie de leur récolte pour entretenir sa cours. Il en fût ainsi jusqu’à ce que l’appareil administratif introduise la corruption. Le roi assurait aussi le rôle de défenseur du pays, mais ce rôle venait en seconde position, derrière celui du prêtre et agriculteur et ce jusqu’à ce que le monde méridional fut envahi par le monde indo-européen. Avant l’attaque nordique, la guerre n’était pas l’apanage du sud.

Religion

Mircea Eliode, dans son ouvrage Histoire de la religion, a voulu montrer le caractère universel de certaines croyances religieuses. Elle a bien mentionné qu’avec la découverte de l’agriculture est née une religion fondée sur une triade cosmique, devenue atmosphérique : Le ciel ou Dieu père, par l’intermédiaire de la pluie, féconde la terre ou Déesse- mère pour que naisse la végétation fille. Cette triade atmosphérique va donner la triade divine Osiris-Isis et Horus, à une époque où les Aryens étaient encore nomades et pratiquaient un culte nettement différent. Le témoignage de César est formel : « ils ne comptent de dieux que ceux qu’ils perçoivent et dont les bienfaits sont sensibles, le soleil, volcan et la lune : ils n’ont même pas entendu parler des autres. » (César, la guerre de Gaules, livre VI chap 21.) Avec Fustel de Coulanges on apprend que la base religieuse de la famille patriarcale nomade est le culte des ancêtres. D’après le même auteur, les dieux de la nature tel que Zeus, ont été adopté tardivement, contrairement à l’opinion qui fait remonter leur origine au temps des steppes. Chaque foyer avait son dieu, qui primait sur le dieu de la nation. Quand Agamemnon rentre victorieux de laguerre de Troie, il remercie d’abord le dieu de son foyer qui est dans sa maison. A l’origine, les divinités nationales elles-mêmes étaient domestiques et appartenaient à des familles privées : « il arriva à la longue que, la divinité d’une famille ayant acquis un grand prestige sur l’imagination des hommes et paraissant puissante en proportion de la prospérité de cette famille, toute une cité voulut l’adopter et lui rendre un culte public pour obtenir ses faveurs. C’est ce qui eut lieu pour Déméter des Eumolpides, l’Athénée des Bulades, l’Hercule des pototti. » (Fustel de Coulanges ; Op cit ; PP. 141).

Même après le triomphe du monothéisme dans la conscience humaine, Javeh restera dieu de son      « peuple élu ». Il n’aime et ne sauve que les siens. Comme Zeus, il est rancunier et coléreux et se manifeste par le tonnerre. Il est si caractéristique du culte de feu qui a longtemps animé les peuples nordiques. Il apparaissait sous forme d’une colonne de fumée, de buisson ardent ou autre manifestations volcaniques soit à Moïse, soit au peuple. Fustel de Coulanges insiste sur le fait que, pendant longtemps, l’idée d’un dieu universel n’a pas effleuré la pensée gréco-romaine. Ce dernier a compté le nombre de dieux qu’il y avait à Rome, ils étaient plus nombreux que les citoyens. Ceci est lié au fait que chaque homme ou groupe d’hommes voulait avoir son dieu ou ses dieux. Au sud, la clémence du milieu physique aidant, les Nubiens et Egyptiens eurent, de bonne heure, la notion d’un Dieu tout puissant, créateur de tout ce qui existe, bienfaiteur de toute l’humanité sans distinction. N’importe qui pouvait devenir son adepte et gagner son salut. Tel fut le cas d’Amon qui, jusqu’à nos jours, est le Dieu de toute l’Afrique occidentale. Il est le dieu de l’eau, de l’humanité et de la fécondité. Il s’ensuivit la réaction d’Akhnaton et le Dieu Aton qu’il conçut est le disque solaire, symbolisé par sa puissance, sa luminosité et ses rayons vivifiant toute la nature. Il avait donc un trait commun avec les dieux nordiques. Ce fait pouvait être lié à l’origine mitannienne de la grand-mère d’Akhnaton ou à l’influence de femme Néfertiti. Hérodote insiste que les Egyptiens ont été les premiers à énoncer la théorie de l’immortalité de l’âme. Un trait particulier de l’Egypte et de l’Afrique noire est le culte des animaux. Ce qu’on appelle Totémisme ou Zoolâtrie. Levy Brühl, ne comprenant pas ce fait où l’homme peut se considérer en même temps comme être humain authentique et comme animal, a parlé de mentalité prélogique, primitive du noir. Il a refusé à ce dernier le principe d’identité. Ce fait ne se comprend que dans un univers où l’essence des choses est la force vitale. La forme extérieure des êtres et des choses devient secondaire et ne peut plus constituer une barrière, soit pour additionner deux forces vitales soit pour en identifier deux, parce qu’elles sont de quantité égale, ou parce que les êtres qu’elles animent ont été amenés dans leur existence à passer un contrat social, une sorte de pacte de sang. Ainsi, si la beauté du plumage du perroquet ou du paon me séduit, se confond à mon idéal esthétique, rien ne m’empêche de le choisir, pour ce seul trait particulier, comme mon totem. Je pourrais choisir le lion pour sa force ou le faucon pour sa vigilance. La zoolâtrie ou le totémisme ne se conçoit que dans une société dont le vitalisme est à la base de la conception de l’univers. L’homme et son totem sont une seule et même essence, bien que jouissant de formes extérieures différentes. L’homme peut se transformer en son totem pour se déplacer dans les endroits où en tant qu’être humain il ne peut y aller ou pour se défendre des attaques. Dans le domaine de l’au-delà, de la religion et de la philosophie, les conceptions méridionales et nordiques sont irréductibles et portent, indéniablement, les emprunts des berceaux qui les ont vus naître. Dans le berceau nordique où règne un état de guerre endémique, la défense du groupe est le premier souci. Toutes les valeurs seront à la guerre. On ne peut entrer dans le paradis germanique, le Walhalla, que si on est un guerrier tombé au champ de bataille. Au paradis, les dieux passent leur temps, pour s’ennuyer, à combattre entre eux pendant le jour et à boire la nuit. Ils sont mortels comme les hommes et aussi corrompus. Un jeune Germain n’avait le droit de se raser la barbe qu’en humectant avec le sang d’un ennemi tué au combat. Le vol était un exercice honorable s’il était commis à l’extérieur de la tribu, d’après Tacite.

L’olympe grec est identique Walhalla germanique quant aux valeurs morales et occupation des dieux. Zeus devient le dieu des dieux par la violence, dans une bataille rangée avec l’aide de Prométhée. Il ne recule devant rien pour convoiter la femme d’un autre dieu. Chez les Assyriens, c’est le soldat tombé au champ de bataille qui va au paradis. Ils écorchaient vif leurs prisonniers, surtout les chefs. Les valeurs morales des Aryens ne s’adoucissent qu’au contact du berceau méridional. Ces valeurs de crime, de violence, de guerre, prédisposeront les Aryens à une grande destinée historique. Ils trouveront le berceau méridional sans fortifications notables, habitué à une longue coexistence pacifique et donc peu habitué aux guerres dévastatrices. Ce sont ces agressions qui vont obliger le berceau méridional à construire des fortifications pour se défendre. L’Egypte deviendra même conquérante avec Thoutmosis III qui annexa la Palestine et la Syrie, et poussa la frontière d’Egypte jusqu’au haut Euphrate à Kadesh. Il soumit les Assyriens, les babyloniens et les Hittites qui lui payèrent tribut. Les conquêtes de Chaka Zoulou sont semblables à celles de Thoutmosis III. L’esprit de conquête entre en Afrique de l’ouest à la période islamique avec des conquérants religieux comme El Hadj Omar. C’est donc au contact du monde extérieur que l’Afrique noire dans son ensemble va se mettre ardemment à l’école de la guerre pour y exceller finalement, tant les adaptations sont faciles pour l’être humain, surtout quand elles sont dictées par la nécessité. Les dieux égyptiens transcendent l’humanité par leurs vertus, leur générosité, leur esprit de justice. Au tribunal d’Osiris, Thot et Anubis pèsent les actions des défunts avant de les récompenser ou de les punir. C’est le même esprit de justice et d’équité qui règne partout en Afrique noire. Ibn Batouta qui a visité le Soudan au XIIIe siècle écrit : « De ce que j’ai vu de bon dans la conduite des noirs, les actes d’injustice sont rares chez eux ; de tous les peuples, c’est celui qui est le moins porté à en commettre. » L’Afrique noire est un des pays au monde où l’homme est le plus pauvre, mais il est le seul au monde où la misère n’existe pas malgré cette pauvreté par suite de l’existence d’une solidarité de droit. Il est également le premier pays au monde où l’activité criminelle est la plus faible.

Littérature

L’accent sera mis sur la littérature grecque et égyptienne. La littérature grecque développe le tragique. Les thèmes traitent de l’action du destin, de la fatalité. Qu’il s’agisse d’OEdipe, des Astrides avec Agamemnon, il y a toujours une faute, un crime commis par les ancêtres qui sera expié par sa descendance qui est, quoi qu’elle fasse, entièrement condamnée par le sort. La conception sémitique est identique. Le pêché original a été commis par les ancêtres mêmes de la race humaine et toute l’humanité, condamné désormais à gagner son pain à la sueur de son front, doit se racheter. Ce point de vue a été adopté et enseigné par les religions modernes telles que l’Islam et le christianisme. Dans la littérature égyptienne, on ne retrouve pas cette culpabilité qui guide celle des Indoeuropéens. Une telle culpabilité pourrait se justifier par la place marginale de la femme dans les sociétés Aryennes. Peut-être la conscience nordique s’est sentie coupable vis-à-vis d’elle. L’Egypte n’a pas créé un théâtre tragique. On peut supposer que sa structure sociale, le ton de la vie et son psychisme n’étaient pas favorables à une telle activité culturelle. Nietzsche précise que le sentiment du crime, de culpabilité, du péché originel et de gêne à l’égard de la femme dont on a fait le bouc émissaire sont indo-Aryens et sémitiques, à des degrés différents, pour rendre compte des idées pessimistes qui sont à la base de leur conception de l’univers et de la civilisation. C’est dans le mythe de Prométhée qu’il trouve les arguments lui permettant de soutenir ce point de vue. L’homme Aryen primitif ne reconnait pas que le feu puisse lui être donné gracieusement par la nature. Il faut qu’il le vol, qu’il l’obtienne par le crime et qu’il paye pour ce crime. C’est le cas également du péché originel qui attribue la chute de l’humanité à la femme. Tous les héros tragiques du théâtre grec (Prométhée, Œdipe…) sont les masques du héros originel Dionysos (Le mythe de Dionysos). Un fait reste troublant. Pourquoi les Grecs ont-ils choisi, non pas un mythe local, mais un mythe étranger. Car Dionysos est un Dieu étranger assimilable à Osiris. Il fut coupé en plusieurs morceaux et renaîtra. On reconnait ici Osiris coupé en morceaux par son frère Seth et qui va renaitre. Ce qui est aussi le cas de Jésus tué qui renaitra. D’après Hérodote les Egyptiens identifient Osiris et Dionysos. Hérodote poursuit en affirmant que Dionysos est un Dieu étranger à la Grèce, car tous ses attributs contrastent avec les mœurs et coutumes des Grecs. Son culte a été introduit en Grèce par Mélampous, qui modifie certains aspects du culte. Hérodote poursuit en affirmant qu’il y a des points de divergence entre le culte du Dieu Dionysos en Egypte et en Grèce. Ses attributs qui contrastent avec les mœurs des Aryens expliquent l’enthousiasme indescriptible avec lequel les femmes l’ont accueilli et la résistance, la lutte sans merci que lui ont livré les hommes. D’après Turel, Dionysos n’est pas le dieu de l’anarchie dans la vie domestique, l’union conjugale est sacrée pour lui, ainsi que la fidélité des époux. Il est l’ennemi de la contrainte physique, de tout ce qui est antinaturel. Il est pour l’épanouissement des êtres et, en particulier, celui des femmes. Il est le dieu de la liberté individuelle, de la dualité des sexes dans l’ordre. Il n’est rien d’autre que le symbole du couple harmonieux d’Isis et d’Osiris. C’est l’exportation en pays Aryen de l’idéal social, domestique, conjugal méridional.

L’enthousiasme des femmes et la résistance des hommes au Dieu s’expliquent. En Grèce comme à Rome, les femmes qui pratiquaient le culte étaient condamnées à mort par leurs tuteurs. Ici, les valeurs méridionales et nordiques s’affrontent pour s’emparer de la conscience humaine. Le degré d’une civilisation se mesure par les rapports entre l’homme et la femme. Il répand son enseignement en Grèce au moment où on voyait deux frères épouser une même femme pour le souci d’assurer la descendance. Dionysos ouvre la conscience féminine, porte son exaltation et son espoir à son plus haut degré et pose à la conscience de l’homme aryen le plus grave problème qu’il n’ait jamais eu à résoudre. Il est habitué à voir en la femme aryenne une esclave, un instrument permettant d’assurer sa descendance. Or l’homme est maintenant en voie d’assurer sa vie sédentaire et certaines exigences de nomade sont devenues caduques. Aussi, on ne nettoie pas la conscience par un coup d’éponge. Les seules idées qui conviennent à son nouveau style de vie sont des idées étrangères élaborées dans le monde méridional agricole et sédentaire. Leur choc sur sa conscience produira le bouleversement le plus terrible qu’il ait jamais éprouvé. On comprend que la tragédie ait trouvé son sujet de prédilection dans le mythe de Dionysos. Dionysos ou Osiris, est le dieu qui a souffert physiquement parlant, dans la mesure où il a été coupé en morceaux. Dionysos sera le masque divin qui couvre toutes les formes de souffrance de la conscience humaine chez les Grecs : Prométhée, OEdipe…. ne sont que ses répliques. Le caractère fondamental du mythe ira s’estompant dans le théâtre ultérieur de la Grèce. Il sera à peine décelable dans la permanence des sujets, les tragédies portant presque uniquement pour titres des noms de femmes, Iphigénie en Touride, Electre…

Dans le monde méridional, il n’y a pas un sentiment de culpabilité pesant sur l’humanité toute entière. L’univers de ce monde est optimiste. Osiris n’a aucun sentiment de culpabilité, ni sa descendance Horus, ni sa femme Isis. Seth le criminel, tout au plus, pourrait l’avoir : c’est lui qui personnifie le mal, lui seul à l’exception de tout le reste de l’humanité bien-pensante. Il subira seul les conséquences. Chez les Dogons, tel que souligné par Marcel Griaule dans Dieu D’Eau, une faute a été aussi commise à l’origine. L’ancêtre primitif avait aussi volé le secret des dieux. Ces derniers, au lieu de punir toute l’humanité, ont considéré ce fait comme une erreur de création de leur part et ont corrigé.