Les grandes pensées de Marcien Towa dans Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle
1- « En science aussi bien qu'en philosophie, c'est la même faculté qui est à l'œuvre : la raison »
2- « Le problème de la délimitation du domaine de la philosophie peut sembler d'abord purement académique et comme tel ne présentant d'intérêt que pour le cercle étroit des philosophes. En réalité, ce qui est en jeu, c'est la hiérarchisation des civilisations et des sociétés, ni plus ni moins »
3- « La philosophie ne commence qu'avec la décision de soumettre l'héritage philosophique et culturel à une critique sans complaisance. »
4- « Pour le philosophe aucune donnée, aucune idée si vénérable soit-elle, n'est recevable avant d'être passée au crible de la pensée critique. »
5- « La philosophie est essentiellement sacrilège en ceci qu'elle se veut l'instance normative suprême ayant seule droit de fixer ce qui doit ou non être tenu pour sacré, et de ce fait abolit le sacré pour autant qu'il veut s'imposer à l'homme du dehors. »
6- « Tous les grands philosophes commencent par invalider ce qui était considéré jusqu'à eux comme absolu »
7- « Un exposé philosophique est toujours une argumentation, une démonstration ou une réfutation. Ce qu'un philosophe retient et propose est toujours, du moins en droit, la conclusion d'un débat contradictoire, c'est-à-dire, d'un examen critique et absolument libre »
8- « La philosophie est peut-être la seule discipline qui a le courage et la force de soumettre ouvertement l'Absolu à la discussion, de le prendre comme objet de débats publics, débats qui ne sont pas seulement formels puisqu'ils aboutissent souvent à le détrôner. »
9- « Le philosophe n'est ni neutre, ni désintéressé, c'est peu de dire qu'il a opté pour un Absolu : il est le militant de son Absolu »
10- « Je ne suis pas libre si je dépends d’un instinct, d’une inclinaison, d’un intérêt égoïste »
11- « La première expérience du Nègre colonisé après l'effondrement de son univers, fut l'éblouissement par le monde occidental aperçu dans l'éclat aveuglant de sa victoire. Fasciné, il n’eût plus bientôt qu’une aspiration : S’échapper de son monde vaincu et dévalué, et se jeter les yeux fermés dans le nouvel univers. »
12- « Amener au jour une authentique philosophie négro-africaine établirait à coup sûr que nos ancêtres ont philosophé, sans pour autant nous dispenser, nous, de philosopher à notre tour. Déterrer une philosophie, ce n'est pas encore philosopher. »
13- « L'ethno-philosophie expose objectivement les croyances, les mythes, les rituels, puis brusquement, cet exposé objectif se mue en profession de foi métaphysique, sans se soucier ni de réfuter la philosophie occidentale, ni de fonder en raison son adhésion à la pensée africaine »
14- « L’ethnophilosophie trahit à la fois l’ethnologie et la philosophie »
15- « L'ethno-philosophie apparaît à la philosophie comme une théologie qui ne veut pas dire son nom »
16- « L'ethno-philosophie telle qu'elle s'est pratiquée jusqu'ici n'a trop souvent été qu'une voie de facilité, faisant l'économie à la fois des techniques et des méthodes d'enquête ethnologiques et de la discussion philosophique des idées et des valeurs mises en avant, et tout ceci, au nom de l'africanité. »
17- « Les idées avancées par l'ethno-philosophie sont figées dès leur mise au jour et ne sont susceptibles d'aucun développement »
18- « Pour ouvrir la voie à un développement philosophique en Afrique, il faut que, résolument, nous nous détournions de 1'ethno-philosophie, aussi bien de sa problématique que de ses méthodes. »
19- « En plus des multiples impasses théoriques auxquelles elle aboutit, l’ethnophilosophie s’est avérée d’une grande stérilité »
20- « Plutôt que 1'exhumation d'une philosophie africaine originale selon des voies qui ne se soumettent ni aux exigences de la science, ni à celles de la philosophie, notre dessein principal devrait être de parvenir à une saisie et à une expression philosophiques de notre « être dans-le-monde » actuel et à une détermination de la manière de le prendre en charge et de 1'infléchir dans une direction définie. »
21- « Une philosophie africaine originale arrachée à la nuit du passé n'a pu être, si elle a existé, que 1'expression d'une situation elle-même passée »
22- « L'ère des chicanes sur les textes juridiques est close, close aussi celle des revendications pour la reconnaissance de « notre dignité anthropologique ». Il faut maintenant passer aux actes, et imposer par des réalisations de tous ordres cette dignité anthropologique. »
23- « Le rappel de la richesse, de la splendeur, de l'originalité de nos cultures n'était qu'une promesse : la promesse de ce dont nous serions capables, de l'apport que nous ferions à la civilisation universelle, si nous avions la responsabilité de nous-mêmes. L'accession à la souveraineté politique nous somme de tenir cette promesse. Or le temps passe et nous ne parvenons pas à le faire »
24- « Ce sont nos insuffisances qui s'imposent à présent à notre attention, et non plus nos richesses et nos possibilités. Ce que nous avons en propre, ce ne sont pas seulement les valeurs que le monde attendrait, mais aussi de redoutables lacunes. Celles-ci furent responsables de notre défaite, et la responsabilité de nos difficultés actuelles doit aussi leur être attribuée pour une bonne part »
25- « On ne peut espérer édifier toute une civilisation, faire surgir tout un monde en se payant de mots : il faut payer de son être même »
26- « La volonté d'être nous-mêmes, d'assumer notre destin, nous accule finalement à la nécessité de nous transformer en profondeur, de nier notre être intime pour devenir l'autre »
27- « S'emparer du « secret » de l'Occident doit dès lors consister à connaître à fond la civilisation occidentale, à identifier la raison de sa seule puissance et à l'introduire dans notre propre culture. »
28- « La cause de notre défaite et de notre condition actuelle de dépendance effective est à chercher dans notre spécificité, dans ce qui nous différencie de l'Europe, et nulle part ailleurs. Car si notre monde ancien n'a pas pu supporter le choc du monde européen ce fut assurément en raison de quelque chose qui le différenciait de l'Europe. Or tenter de reconstituer le monde ancien, c'est entreprendre de maintenir aussi cette faille »
29- « S'affirmer, se revaloriser, retrouver la fierté, qu'est-ce à dire sinon entrer en conflit avec les forces qui nous écrasent ? Et comment imaginer que nous sortions victorieux d'un tel affrontement avant d'avoir assimilé le secret en vertu duquel nous sommes encore dominés en dépit de notre souveraineté formelle ? »
30- « Les peuples qui ont décidé de perdre leur essence afin d'assimiler le secret de l'Occident impérialiste se retrouvent en demeurant eux-mêmes, et ceux au contraire qui ont voulu préserver leur originalité, leur être profond sont en train de les perdre en se perdant. Les premiers ont fait peau neuve et ont recouvré santé et vigueur, les seconds, incapables de riposter adéquatement au défi du temps, succombent sous le poids du passé, s'éloignent de la scène de 1'histoire et deviennent un champ d'action et d'extension de l'autre. »
31- « C'est dans et par le radicalisme que l'homme affirme avec le plus d'éclat son humanité »
32- « La révolution fait mieux que nous restituer notre passé : elle nous restitue notre humanité, fondement de notre passé. »
33- « La révolution n'abolit pas et ne peut pas abolir le passé, mais seulement la dictature du passé. Par elle le passé est mis à notre disposition au lieu que nous soyons à la disposition du passé. »
34- « Toute révolution est auto-révolution, auto-transformation radicale. »
35- « C’est seulement avec les moyens que fournit le présent que l'on peut révolutionner le présent »
36- « Tout processus révolutionnaire met en mouvement de larges masses jusque-là condamnées à l'immobilité et à la passivité. Aucune transformation historique ascensionnelle ne peut aboutir sans la mise en branle de la masse du peuple. »
37- « La radicalisation d'un mouvement révolutionnaire équivaut à l'extension et à l'approfondissement de son enracinement dans les masses populaires. »
38- « Aussitôt que l'on éprouve le besoin d'une action révolutionnaire de masses, la nécessité vitale de recourir aux langues africaines apparaît comme 1'un des problèmes cruciaux de notre destin »
39- « Notre destin économico-politique dépend des masses africaines beaucoup moins assimilées que la minorité bourgeoise qui les domine »
40- « Aucun développement culturel d'envergure ne sera possible en Afrique avant qu'elle n'édifie une puissance matérielle capable de garantir sa souveraineté et son pouvoir de décision non seulement dans le domaine politique et économique, mais aussi dans le domaine culturel. »
41- « Notre infériorité matérielle met notre culture à la merci des puissances de notre temps »
42- « C'est seulement en édifiant une puissance comparable aux plus grandes puissances de notre temps, et donc capable de résister à leur agression éventuelle et à leur impérialisme que nous aurons le pouvoir et les moyens de nous affirmer comme monde auto-centré politiquement, économiquement et spirituellement. »
43- « A la quête de l'originalité et de la différence comme certificat d'humanité, nous proposons de substituer la quête des voies et moyens de la puissance comme inéluctable condition de l'affirmation de notre humanité et de notre liberté. »
44- « Notre liberté, c'est-à-dire, l'affirmation de notre humanité dans le monde actuel, passe par l'identification et la maîtrise du principe de la puissance européenne ; car si nous ne nous approprions pas ce principe, si nous ne devenons pas puissants comme l'Europe, jamais nous ne pourrons sérieusement secouer le joug de l'impérialisme européen »
45- « Dans notre quête du secret de la puissance européenne, il semble donc bien que c'est la philosophie de l'Europe qu'il convient d'interroger. »
46- « Ce n'est pas en nous accrochant à notre essence et à notre passé que nous pourrons jamais recouvrer l'autonomie culturelle »
47- « C'est donc au philosophe africain qu'incombe la tâche de retracer avec le maximum de rigueur et d'objectivité l'histoire de notre pensée »