Leçon, Les précurseurs du panafricanisme et leurs conceptions du panafricanisme
Si les panafricanistes sont unanimes sur la nécessité d’unir les africains pour proclamer une Nation africaine unie, ils ne sont pas d’accord de la forme que doit prendre cette union, ni des méthodes à utiliser pour y parvenir. Deux grandes thèses se dégagent de la forme de cette union. Les premiers considèrent le panafricanisme comme l’union stricte des noirs, tandis que les seconds la considèrent comme l’union de tous les peuples vivant en Afrique, qu’ils soient noirs, blancs descendants d’Europe, indiens ou arabes. Le résultat sera le fruit de la conception qui réussira à unir le peuple africain.
I- Le panafricanisme comme l’union des noirs
1- Marcus Garvey
Marcus Mosiah Garvey est né le 17 août 1887 en Jamaïque. Les partisans du mouvement rastafari l’ont considéré comme un prophète. Il est né d’une famille très pauvre. A 14 ans, ses parents ne peuvent plus payer ses études. Il quitte l’école et trouve du travail dans une imprimerie de journaux. Marcus Garvey, comme tous les premiers précurseurs du panafricanisme, grandi dans un environnement dominé par le racisme anti-noir. Il est un contestataire. Il organise une grève dans l’imprimerie où il travaille et est renvoyé. Il se lance en journalisme et fonde plusieurs journaux (La Prensa au Panama, La Nacionale au Costa Rica...)
Il se rend compte que ses talents de journaliste et d’orateur ne suffisent pas. Le besoin d’une organisation se pose dans son combat, et il crée l'UNIA (Universal Negro Improvement Association). Cette organisation vise la défense des noirs. Sa devise témoigne la vision culturelle que Garvey attache à sa lutte. La devise de l’UNIA est : « Un Dieu ! Un But ! Une Destinée ! » Pour Garvey, la terre promise des Noirs est l’Afrique, et il faut que les Noirs y retournent. Sa reconnaissance internationale et le poids de son organisation renforcent ses idées.
Après la première guerre mondiale et l’écrasement de l’Allemagne, il demande aux vainqueurs de transformer les colonies arrachées à l’Allemagne en un Etat devant accueillir les anciens esclaves qui doivent retourner à la terre africaine où ils ont été arrachés de force. Sa pétition est rejetée et les vainqueurs se partagent les anciennes colonies allemandes. Après ce refus des vainqueurs de la guerre, Garvey décide de préparer cette Nation nègre. Même s’il n’existe pas sur un territoire, cet Etat doit exister dans les mentalités. Il adopte un drapeau (noir, vert et rouge), un hymne national (The Universal Ethiopian Anthem), un corps militaire, un corps médical (Black Cross nurses), des uniformes, une hiérarchie exécutive. Il multiplie des réunions publiques régulières, des conventions annuelles rassemblant des milliers de personnes, de grands défilés dans les rues de Harlem, l’organisation des activités culturelles (poésie, pièces de théâtre), des activités commerciales pour autonomiser cette nation nègre, des activités pédagogiques pour former les futurs citoyens de cette nation. Toutes ces activités renforcent cette nation nègre en construction. En 1920, Garvey organise le premier congrès des peuples noirs du monde (First Convention of the Negro Peoples of the World) auquel 35000 personnes participent.
Le manque de territoire pour la nation nègre commence à impacter négativement son développement. Or toute l’Afrique est colonisée. Ce qui pousse Garvey à se retourner vers le Libéria. Mais le Libéria craint ses idées, et la révolution sociale que ces idées peuvent créer. En 1924, l'UNIA est interdit au Libéria. Du côté de l’Ethiopie, c’est un nouvel échec. Garvey, tout en continuant de poser les bases de la nation noire, poursuit la lutte de la décolonisation mentale. Il rappelle aux Noirs que « La peau noire n'est pas un insigne de la honte, mais plutôt un symbole de grandeur nationale ». Pour Marcus Garvey, la question de la primauté de la race est centrale et toutes les activités de l'UNIA cherchent à développer l'estime que la Garvey clame que les Noirs doivent voir Dieu à leur image. Il soutient ouvertement la rébellion vietnamienne de Hô Chi Minh, le combat de Gandhi en Inde et salue l’œuvre de Lénine. Il refuse de s’allier à l’international des opprimés du monde entier, et pose la race comme le critère fondamental de sa lutte. En 1919, il crée la Black Star Line, une compagnie maritime ayant pour but de servir le projet de rapatriement des anciens esclaves vers l’Afrique. La Black Star Line est financée uniquement par des Noirs et relie les Amériques et les Caraïbes. Le journal de Garvey, « The Negro World » est vendu dans beaucoup de pays. Il est interdit dans certaines colonies africaines, en France et en Grande Bretagne. Marcus Garvey fonde des usines, des réseaux de distribution ainsi que deux journaux. Accusé de fraude postale, Marcus Garvey est emprisonné aux Etats-Unis, ce qui lui fait perdre son influence. En 1927, il est libéré et retourne en Jamaïque. En 1935, il part pour le Royaume-Uni où il décède le10 juin 1940.
2- Cheikh Anta Diop
Cheikh Anta Diop est né le 29 décembre 1923 au Sénégal. Il commence la défense de sa race très tôt. En classe de troisième, il s’oppose vigoureusement à son enseignant de français Monsieur Boyaud, très raciste. Cheikh Anta Diop ne supporte pas la manière dont Monsieur Boyaud traite la race noire. Sachant qu’il va être exclu, il préfère quitter le lycée lui-même. Il quitte Dakar pour Saint Louis. Durant ses années passées au lycée, il élabore un alphabet conçu pour transcrire toute langue africaine et il entreprend également la rédaction de l’histoire du Sénégal. En 1945, il obtient ses baccalauréats en mathématiques et en philosophie. Il va en France poursuivre ses études. A son initiative est créée l'Association des Étudiants Africains de Paris. Dès la création du RDA (Rassemblement Démocratique Africain), il y adhère en rappelant à la direction son devoir de ne pas faillir à sa mission historique : celle d'une véritable libération du continent africain. En 1951, il devient le secrétaire général de l'Association des Étudiants du RDA (AERDA) à Paris. Il donne plusieurs conférences et organise, sous l’égide du RDA, le premier Congrès Panafricain Politique d'Etudiants d'après-guerre, du 4 au 8 juillet 1951.
Cheikh Anta Diop réagit aux écrits racistes des penseurs occidentaux en prouvant que l’Afrique est le berceau de l’humanité et que ce sont les noirs qui ont civilisé le monde et non le contraire. Pour le prouver, il compare l’organisation sociale, la linguistique, le matriarcat, la cosmogonie, la circoncision et l’excision, le totémisme, les pensées des anciens penseurs européens qui n’ont jamais nié le fait que leurs connaissances viennent des Noirs. Ses travaux inquiètent le monde occidental et il reçoit des critiques. En 1970, il est contacté par l’UNESCO pour participer à la rédaction de l’ouvrage Histoire Générale de l’Afrique. Il pose comme condition l’organisation d’un colloque où il pourra exposer toutes ses thèses et les prouver devant tous ses contestataires. Le colloque est organisé en 1974, et ses thèses sont validées. Ce qui lui permet de participer à la rédaction de la collection Histoire Générale de l’Afrique.
Après avoir soutenu sa thèse en France, il rentre au Sénégal par cette pensée célèbre : « Je rentre sous peu en Afrique où une lourde tâche nous attend tous. Dans les limites de mes possibilités et de mes moyens, j'espère contribuer efficacement à l'impulsion de la recherche scientifique dans le domaine des sciences humaines et celui des sciences exactes. Quant à l'Afrique noire, elle doit se nourrir des fruits de mes recherches à l'échelle continentale. Il ne s'agit pas de se créer, de toutes pièces, une histoire plus belle que celle des autres, de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l'indépendance, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire. »
Au Sénégal, il crée un laboratoire de datation par le Carbone 14 (radiocarbone). Constatant que l’indépendance du Sénégal est ratée, il crée un parti politique, le Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) en opposition au régime en place dirigé par Léopold Sédar Senghor. Il en est le Secrétaire général. Il refuse les postes ministériels qui sont proposés par Léopold Sédar Senghor à son parti. Le gouvernement Sénégalais dissous le BMS, et Cheikh Anta Diop crée aussitôt un autre parti qui sera à son tour dissous l'année suivante. Ce parti est le Front National Sénégalais. Le gouvernement sénégalais l’empêche d’enseigner à l’université. En 1980, Léopold Sédar Senghor démissionne de la présidence du Sénégal et en 1981, Cheikh Anta Diop est nommé professeur d'histoire associé à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Dakar. Il est enfin autorisé à enseigner à l’université.
Cheikh Anta Diop se situe dans la logique de Garvey et penche pour la construction d’un Etat noir. Dans son ouvrage Les fondements politiques, économiques et culturels d’un Etat noir, il pose les fondements de cet Etat nègre. Il écrit : « Il faut faire basculer définitivement l’Afrique noire sur la pente de son destin fédéral ». Du 6 au 9 janvier 1986, à Yaoundé, il préside le Colloque sur l'Archéologie camerounaise. Il donne, le 8 janvier, dans le Palais des Congrès de la capitale camerounaise, sa dernière conférence intitulée : « La Nubie, l'Égypte et l'Afrique noire ». Il décède 29 jours après son départ du Cameroun et précisément le 7 février 1986, à Dakar.
II- Le panafricanisme comme l’union de tous les peuples présents en Afrique
1- Kwame Nkrumah
Kwame Nkrumah est né en 1909 en Gold Coast, aujourd’hui Ghana. En 1935, quelques années après sa sortie de l'université, il s’en va aux Etats-Unis afin de poursuivre ses études. Pour survivre aux Etats-Unis, il multiplie de petits métiers tout en poursuivant ses études. Il obtient une licence en économie et en sociologie en 1939.
Il adhère à l’association d'étudiants africains et la transforme en Association des étudiants africains des États-Unis et du Canada. Il préside cette association entre 1942 et 1945. Le journal de l'association se fait le relais des idées panafricaines. Il rencontre les grands panafricanistes comme William Dubois et Georges Padmore. Il est l’un des organisateurs de la conférence Manchester. En 1947 ; Nkrumah retourne en Afrique et devient secrétaire général du parti indépendantiste, l'UGCC (United Gold Coast Convention). Nkrumah transforme l'UGCC en un parti de masse. Il multiplie des grèves et des contestations. L'administration coloniale réagit par la répression. Elle emprisonne les dirigeants du parti et assassine des manifestants. Nkrumah est incarcéré pendant deux mois avec d'autres dirigeants de l'UGCC. Les dirigeants de l'UGCC prennent peur de la tournure des évènements et démettent Nkrumah de sa fonction de secrétaire général. Le 12 juin 1949, Nkrumah crée le Convention People's Party (CPP). Il appelle au boycott et à la désobéissance civile, ce qui lui vaut une fois de plus d’être arrêté par les autorités britanniques en 1950 et condamné à trois ans de prison. Aux élections de 1951 à l’assemblée législative, le CPP remporte. Nkrumah profite et oblige le Royaume-Uni à concéder l’indépendance, qui est proclamée le 6 mars 1957.
Nkrumah est conscient que cette indépendance n’aura pas de valeur si l’Afrique entière n’est pas unie. Il organise la conférence d’Accra. Pour faciliter son projet de construction des Etats-Unis d’Afrique, il fait venir les mouvements indépendantistes africains au Ghana pour les former afin qu’ils rentrent secouer les colons et libérer leurs pays. Et une fois libres, ces pays s’unissent en un grand pays africain uni. Il tente un premier pas vers une réalisation concrète du panafricanisme en formant le 1er mai 1959 une union avec la Guinée, rejointe le 24 décembre 1960 par le Mali même si cette union purement symbolique. Pour détruire son projet des Etats-Unis d’Afrique, les Etats colonialistes accordent des indépendances à des personnes sous leur contrôle. Les progressistes que Nkrumah formait au Ghana n’ont plus de valeur. Avec les Indépendances, Nkrumah tente de convaincre les nouveaux pays de former un seul Etat. Cet Etat n’est pas seulement un Etat noir, mais un Etat englobant tous les pays africains. Il définit l’idéologie qui doit animer cet Etat, qu’il appelle le consciencisme. Il écrit : « Le consciencisme est l’ensemble en termes intellectuels, de l’organisation des forces qui permettent à la société africaine d’assimiler les éléments de la culture euro-chrétienne, arabo-musulmane et traditionnelle africaine présentes en Afrique, et de les organiser de manière qu’ils s’insèrent dans la personnalité africaine ». Pour éviter le racisme et les replis identitaires dans ce pays, il propose donc de faire une synthèse entre tous les éléments culturels dominants en Afrique pour faire surgir une culture propre à l’Africain. Mais beaucoup de présidents nouvellement indépendants, au lieu d’aller directement vers un Etat uni, préfèrent organiser l’unité. Au lieu d’un Etat africain avec un gouvernement central comme l’avait souhaité Nkrumah et d’autres présidents progressistes d’Afrique, c’est l’OUA qui a été créée.
Voyant la chute de son projet d’un Etat africain uni, Nkrumah se replie sur lui-même. Ce repli est total avec la mort de Georges Padmore qui était son conseiller. Le numéro deux de son parti, Gbedemah profite pour multiplier des attaques contre lui. Des tentatives d’assassinat se multiplient contre lui. En 1966, il décide de réagir. Il va en Chine demander les conseils à Mao Zedong. Malgré le fait qu’il emporte tous les officiers supérieurs de l’armée avec lui pour qu’ils ne restent pas faire un coup d’Etat, le coup d’Etat est néanmoins fait.
Renversé, Nkrumah va en Guinée Conakry et est nommé coprésident de la Guinée par Sékou Toure. Sa santé se dégrade d’avantage et il décède le 27 avril 1972, il d Bucarest.
2- Mouammar Al Kadhafi
Mouammar Al Kadhafi est né en 1942 en Libye. Il commence son militantisme très tôt. Etant encore à l’école, il se passionne de Nasser et de son combat. Nasser à l’époque incarne le nationalisme arabe. En 1961, une rupture a lieu entre la Syrie et l’Egypte. Kadhafi et ses camarades prennent position pour l’Egypte de Nasser et distribuent des tracts de soutien à l’école. Kadhafi est exclu de l’école de Sebha et va poursuivre ses études à Misrata. Il crée des cellules clandestines au lycée. A l’université, il étudie le droit. En 1963, il entre dans l’armée et y crée une cellule clandestine ayant pour but de renverser le roi comme l’a fait Nasser. En 1969, alors qu’il a 27 ans, il renverse le roi Idris 1er et fait passer la Libye de la monarchie en République. Avec ce coup d’Etat et son jeune âge, il passe déjà pour l’un des plus grands stratèges militaires.
Dès sa prise de pouvoir, Kadhafi nourrit le projet du panarabisme, de l’union des arabes. Il nationalise les entreprises étrangères, expulse les armées britanniques et étasuniennes de la Libye. Il parvient, en 1970, à convaincre les autres Etats arabes d’augmenter les prix de pétrole comme réaction au soutien que les Etats occidentaux apportent à Israël en guerre contre les Etats arabes. Cette montée de prix des pays arabes et des principaux pays producteurs de pétrole crée le choc pétrolier dans les pays occidentaux qui en surconsomment. Kadhafi devient la cible des puissances occidentales et les coups d’Etat se multiplient contre lui. Kadhafi tente de créer un grand Etat arabe comprenant la Libye, l’Egypte et la Syrie. Mais le président égyptien Anouar El Sadate qui a remplacé Nasser fait échouer le projet. Kadhafi se retourne vers l’Algérie et la Tunisie pour tenter une union entre les trois pays pour former la République arabe et islamique. Nouvel échec. Après cet échec de son projet du panarabisme, il se replie vers la consolidation de son pouvoir à l’intérieur de la Libye et à poser les bases de la nouvelles nation. Il met sur pied les comités révolutionnaires.
Au plan international, Kadhafi intervient dans plusieurs conflits en Afrique. Il intervient dans la guerre Ouganda-Tanzanie en soutenant l’Ouganda d’Idi Amin Dada. Dans la guerre civile tchadienne qui oppose les forces gouvernementales de Hissene Habré aux forces de l’ancien président Goukouni Oueddei, Kadhafi soutient les forces de Oueddei. Il soutient le mouvement indépendantiste IRA en Irlande et presque toutes les organisations qui luttent contre Israël en Palestine. Il soutient le Front polisario au Sahara occidental en lutte contre le Maroc. Il soutient l’ANC en Afrique du Sud contre le régime de l’apartheid au pouvoir. Il soutient les mouvements indépendantistes dans les colonies portugaises (PAIGC, FRELIMO, MPLA), tout comme le mouvement érythréen contre l’Ethiopie. Les relations entre les Etats-Unis et la Libye s’effritent. En 1981, un incident a lieu entre les deux pays, et les Etats-Unis abattent deux avions de chasse de la Libye. En 1982, les Etats-Unis mettent la Libye sous embargo. En 1986, comme d’habitude, l’armée des Etats-Unis, sans autorisation, pénètrent dans le golfe de Syrte. Il y a échange de tirs de missiles entre l’armée des Etats-Unis et celle de la Libye. Les Etats-Unis accusent la Libye d’avoir participé à l’attentat d’une bibliothèque à Berlin Ouest et bombardent la capitale libyenne Tripoli. Kadhafi est blessé, et sa fille adoptive tuée.
Déçu par son projet de panarabisme, Kadhafi se tourne vers celui du panafricanisme. Il décide de créer un Etat africain uni qu’il appelle les Etats-Unis d’Afrique. Pour le faire, il doit sortir de son isolement. Il normalise ses relations avec le Tchad, la Tunisie et l’Egypte. Il se rapproche des Etats-Unis et renonce à son programme d’armement nucléaire. Ce qui a été sa plus grande erreur d’ailleurs. Il se rapproche aussi des autres puissances occidentales. Avec son argent, il soutient les projets partout au monde, ce qui accroit sa popularité. Il a besoin de cette popularité pour son ultime projet qui est les Etats-Unis d’Afrique. En se rapprochant des puissances occidentales et en y mettant son argent, il compte en retour que ces puissances n’empêchent pas son projet d’unité de l’Afrique.
Une fois les alliances faites, Kadhafi engage son projet de construction des Etats-Unis d’Afrique, avec un gouvernement central, une seule monnaie et une armée de 2 millions d’hommes (la plus nombreuse du monde, puisqu’à cette époque l’armée chinoise était évaluée à environ 1.300.000 soldats). En 2000, il convainc les pays africains de faire passer l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) en UA (Union Africaine), qui donne l’impression d’être déjà dans une union. En 2002, l’OUA devient l’UA. La même année 2000, il tente de convaincre les chefs d’Etat africains de créer les Etats-Unis d’Afrique. Mais le Nigéria et l’Afrique du Sud s’opposent à ce projet. Au sommet arabo-africain de Syrte d’Octobre 2010, il demande officiellement des excuses aux noirs pour l’esclavage anti-noir pratiqué par les arabes. A elle seule, la Libye de Kadhafi assure 15 % des cotisations à l’UA et finance les opérations de maintien de la paix de cette organisation au Darfour comme en Somalie. Voyant le peu d’enthousiasme des présidents africains à son projet, il réunit les chefs de tribus africaines à Benghazi, et promet de les financer s’ils font pression sur les gouvernements pour la construction des Etats-Unis d’Afrique.
Alors que les pays africains paient 500 millions de dollars par an pour pouvoir utiliser les satellites occidentaux, ce qui augmente le prix de communication, les pays africains décident de lancer leur propre satellite. Cette opération leur coutera 400 millions de dollars, payable une fois. En 2006, Kadhafi seul apporte 300 millions de dollars pour le projet et en 2007, le premier satellite africain est lancé. Si les coûts de communication chutent en Afrique c’est grandement à cause de ce satellite. L’Europe grâce à ce projet perd 500 millions de dollars chaque année. Le projet d’unité de l’Afrique commence à rencontrer de sérieuses résistances chez les occidentaux. Kadhafi va plus loin et décide de mettre son argent au service de la libération véritable de l’Afrique. Alors que le Fond monétaire international, avec un capital de 25 milliards de dollars à l’époque tient les pays africains avec les dettes, Kadhafi décide de créer le Fond Monétaire Africain avec un capital de 42 milliards de dollars, dont la Libye seule devait payer 30 milliards de dollars. Ce projet devait être effectif en 2011, ayant pour siège Yaoundé au Cameroun. Kadhafi, dans la matérialisation de son projet des Etats-Unis d’Afrique, planifie la construction en 2011 de la Banque Centrale Africaine, devant imprimer la monnaie africaine. Le siège de cette banque devait être à Abuja au Nigéria.
Tous ces projets doivent autonomiser la nouvelle République que veut construire Kadhafi. Ces projets sont imminents puisque la Libye a de l’argent pour cela. Mais avant leur opérationnalisation, la Libye est attaquée par une coalition de puissances occidentales qui accusent Kadhafi d’avoir tiré sur sa population. Kadhafi est vaincu et assassiné.
III- Les autres panafricanistes
1- William Dubois
William Edward Burghardt Dubois est né le 23 février 1868 aux Etats-Unis. Dans le Great Barrington où il grandit, la discrimination raciale n’est pas très forte, et il est admis à l’école, avec les autres enfants blancs. Après ses études secondaires, Dubois entre à l’Université Fisk, une université traditionnellement noire, et y étudie de 1885 à 1888. C'est à cette époque que qu’il expérimente véritablement le racisme pour la première fois, avec l'intolérance et les lynchages. Après l’obtention de son baccalauréat universitaire, il étudie au Harvard College de 1888 et 1890. Pour financer ses études, il fait des travaux parallèles. En 1891, il reçoit une bourse pour étudier à la faculté de sociologie de Harvard. En 1892, il obtient une aide du fond John Fox Slater pour entrer à l'université Humboldt de Berlin. En 1895, il rentre aux États-Unis pour achever ses études. Il est le premier afro-américain à obtenir un doctorat en philosophie de l'université Harvard.
En 1894, Dubois devient enseignant à l'université Wilberforce. Il rejette l’intégration des Noirs dans la communauté blanche. Il estime que les pensées nègres et blanches sont opposées, tout comme les visions du monde nègres et blanches. Il écrit : « On sent toujours sa dualité, une Américaine, une Nègre ; deux âmes, deux pensées, deux efforts irréconciliés ; deux idéaux opposés dans un corps noir dont seule sa force opiniâtre l'empêche d'être déchiré... » En juillet 1897, Dubois enseigne à l'université traditionnellement noire d'Atlanta. Il publie The Philadelphia Negro, une étude sociologique détaillée des afro-américains de Philadelphie. Dubois pense que l'élite d'une nation est la portion critique de la société responsable de la culture et du progrès.
Dans la première décennie du XXe siècle, Booker T. Washington et Dubois émergent comme les principaux porte-paroles du monde noir aux Etats-Unis. La popularité de Washington faiblit quand il conclut le compromis d'Atlanta avec les Blancs des Etats du Sud, demandant aux noirs du Sud de se soumettre aux discriminations, à la ségrégation, à l'exclusion du droit de vote et à l'interdiction du travail syndiqué, et en retour les blancs leur permettent de recevoir une éducation de base, des opportunités économiques et une égalité judiciaire. L’accord prévoit que les blancs du Nord investissent dans les entreprises du Sud et financent les charités éducatives noires. Dubois s’oppose à cet accord et considère que les afro-américains doivent se battre pour obtenir l'égalité des droits plutôt que de subir passivement la ségrégation et la discrimination.
Dans la cadre du mouvement niagarite (L’association Niagara qu’il a créé), Dubois lance le journal Moon Illustrated Weekly, un hebdomadaire illustré. Il lance également A Journal of the Color Line. Il rédige The Souls of Black Folk (« Les Âmes du peuple noir ») pour montrer le génie et l'humanité des Noirs où il écrit : « le problème du XXe siècle est le problème de la ligne de partage des couleurs ». Cet ouvrage met en exergue la double-conscience à laquelle les afro-américains doivent faire face : Être à la fois noir et américain.
En 1906, le président Théodore Roosevelt dégrade 167 soldats noirs accusés sur les bases douteuses d’avoir assassiné un Barman au Texas. Des émeutes éclatent ensuite à Atlanta suite à l’accusation que les noirs ont agressé une femme blanche. Les émeutes font 25 victimes. Dubois demande à la communauté noire de retirer son soutien au parti républicain. Pour lui, le compromis d’Atlanta signé par Booker Washington est un échec, car malgré l’accord les noirs n’ont pas eu la justice. Sous son instigation est fondée la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). Les dirigeants de la NAACP offrent à Dubois la position de directeur de la publicité et de la recherche. Il accepte l'offre et en 1910, il démissionne à l’université d’Atlanta et déménage à New York, pour se concentrer à cette tâche. Le journal de la NAACP a un succès phénoménal et il s'en vend 100 000 exemplaires en 1920.
William Dubois assiste à la conférence panafricaine de Londres de 1909. Dans ses livres The Negro, The Quest of the Silver ou The Star of Ethiopia qui paraissent après cette conférence, Dubois s’oppose à l'idée d'infériorité africaine. The Negro insiste sur l'unité et la solidarité des peuples de couleur du monde entier. Dubois affirme que le partage de l’Afrique est la cause principale de la première guerre mondiale. Il affirme à son époque que la civilisation égyptienne est noire et africaine. Il écrivait déjà dans Black Folk Then and Now : « Les Égyptiens étaient des nègres, et non seulement cela, mais par tradition ils se croyaient descendants non pas des blancs ou des jaunes, mais des peuples noirs du Sud ».
En 1917, des émeutes éclatent dans l’Illinois. Une grève a lieu dans les industries de Saint-Louis. Pour ouvriers refusent de travailler. Les autorités les remplacent par des ouvriers noirs, ce qui crée l’émeute. 40 à 250 noirs sont tués lors de ces émeutes. Pour protester, Dubois organise la Silent Parade qui rassemble environ 9 000 Afro-américains sur la Cinquième Avenue de New York. C’est la première parade de ce type à New York et la deuxième manifestation publique de Noirs pour les droits civiques. Dubois continue la lutte pour que les Noirs intègrent l’armée fédérale et y occupent des postes de commandement. La même année 1917, ses efforts portent des fruits et 600 officiers noirs rejoignent les rangs de l’armée. Dubois lui-même est nommé officier dans l'armée au sein du renseignement militaire. Cette position lui vaut des critiques de la part de nombreux noirs qui voulaient utiliser la guerre pour faire pression en faveur des droits civiques.
À la fin de la guerre, Dubois assiste au premier Congrès panafricain. Il critique le racisme dans l’armée. En 1919, des émeutes éclatent dans plus de 30 villes des Etats-Unis, causant la mort de plus de 300 noirs. Les rapports des Etats du Sud des Etats-Unis accusent les noirs d’avoir organisé un complot pour renverser le gouvernement. Plus de 60 Noirs survivants sont arrêtés, jugés et condamnés pour conspiration au cours d'un procès expéditif. Dubois rallie les noirs de tous les États-Unis pour lever des fonds en faveur de la défense de ces accusés et six ans plus tard, la Cour annule les condamnations. Pour l’éducation des enfants afro-américains à la culture africaine, Dubois crée un mensuel pour enfants, The Brownies' Book.
En 1921, Dubois assiste au deuxième congrès panafricain. Ses relations avec Marcus Garvey deviennent de plus en plus tendues. Après la guerre, les ventes du journal The crisis chutent de 100 000 à 60 000. Mais il reste le principal périodique du mouvement des droits civiques. Quand il visite la Russie en 1924, Du Bois est impressionné par les avancées du pays et conclut que le socialisme sera plus bénéfique pour la cause des Noirs. Mais aux Etats-Unis, des tensions éclatent avec le parti communiste qui accuse la NAACP d’être un mouvement d’intellectuels coupés de la masse. La NAACP de son côté accuse le parti communiste de ne pas assez prendre en compte la discrimination raciale. En 1931, Dubois démissionne comme rédacteur en chef du journal The crisis et accepte un poste académique à l'université d'Atlanta. Il fait plusieurs publications pour défendre le socialisme. Il documente le rôle central joué par les noirs dans la Guerre de Sécession et la Reconstruction et montre comment ils firent des alliances avec les politiciens blancs.
En 1932, Du Bois est choisi par plusieurs organisations philanthropiques pour être le rédacteur en chef d'un projet d'Encyclopedia of the Negro. Après plusieurs années de planification et de préparation, les organisations philanthropiques annulent le projet en 1938 car certains membres considèrent Dubois comme trop partial pour produire une encyclopédie objective. Pendant la deuxième guerre mondiale, Dubois sympathise avec le camp de l’axe et le gouvernement japonais l’invite au Japon. Il s’oppose à l’entrée en guerre des Etats-Unis. En 1943, alors qu'il est âgé de 76 ans, son poste à l'université d'Atlanta est brutalement supprimé par le président de l'université. Dubois retourne à la NAACP en tant que directeur du département des recherches spéciales. Il est l’un des 3 représentants de la NAACP à la conférence de San Franscisco qui pose les bases de l’Organisation des Nations Unies. La délégation de la NAACP demande aux Nations Unies de lutter pour l’égalité et de mettre un terme à la colonisation. La Chine, la Russie et l'Inde soutiennent les propositions de la NAACP. Mais cette position est ignorée par les autres grandes puissances. Ces propositions ne figurent donc pas dans la charte de l’ONU.
À la fin de l'année 1945, Dubois assiste au Congrès panafricain à Manchester qu’il co-organise avec Kwame Nkrumah. Quand la guerre froide éclate, la NAACP ne soutient pas le camp communiste. Mais Dubois et d’autres influents membres du mouvement soutiennent le camp communiste. Le FBI organise la pression contre la NAACP et les dirigeants il est le président de Peace Information Center (PIC) dont l'objectif est de faire connaître l'appel de Stockholm aux États-Unis. Cet appel était une pétition mondiale visant à demander aux gouvernements d'interdire les armes nucléaires. Le Département de la Justice des États-Unis considère que le PIC agit comme un agent d'une puissance étrangère. Dubois et les autres dirigeants du PIC protestent et sont inculpés. Albert Einstein demande de comparaître en tant que témoin de moralité de Dubois. La Cour préfère classer l’affaire. Même si Dubois n’est pas condamné, le gouvernement confisque son passeport pendant huit ans. Durant le procès, Dubois ne reçoit pas le soutien de la NAACP, ce qui le désole. Par contre, les noirs et les blancs de la classe ouvrière lui apportent tout leur soutien. En 1955, le gouvernement des Etats-Unis l’empêche d’assister à la conférence de Bandoeng. En 1958, Dubois récupère son passeport et visite la Chine et la Russie. En 1961, à l’âge de 93 ans, il rejoint le parti communiste. En 1960, il visite le Ghana et le Nigéria, et propose à Kwame Nkrumah le projet de l’encyclopédie Africana. Le Ghana met les fonds à disposition et dès 1961, Dubois s’installe au Ghana pour la rédaction de cette encyclopédie. En 1963, les Etats-Unis refusent de renouveler son passeport et il signe la nationalité ghanéenne. Sa santé se dégrade d’avantage et il meurt le 27 août 1963 dans la ville d'Accra à l'âge de 95 ans.
2- Georges Padmore
George Padmore, de son vrai nom Malcolm Ivan Meredith Nurse est né à Trinidad (colonie britannique) le 28 juin 1903. Dès son bas âge, il se familiarise avec les idées du panafricanisme, son père étant un sympathisant de Sylvester Williams. Après ses études secondaires, il va aux Etats-Unis pour continuer ses études universitaires. Il y étudie le droit et la médecine. Il prend le pseudonyme de George Padmore pour ne pas mettre en danger sa famille et adhère au Parti communiste des États-Unis d'Amérique qui luttait contre la ségrégation raciale. Il participe aux activités de plusieurs organisations militantes, dont la Ligue anti-impérialiste et le Comité international des travailleurs noirs. En parallèle, il continue avec le métier de journaliste qu’il avait débuté à Trinidad. Il écrit des livres sur la condition des noirs en Amérique et en Afrique. En juillet 1930, à Hambourg, il lance l’International Trade Union Committee of Negro Workers (ITUCNW), soutenu par le Komintern. En 1931, il devient le chairman du comité international des syndicats de travailleurs noirs et de son journal. Par ce journal, Padmore insuffle un programme d'éducation de masse afin de sensibiliser la population noire à l'importance des syndicats et des actions collectives contre l'exploitation.
En 1933, Padmore, qui s’était installé à Vienne, puis à Hambourg, est expulsé d’Allemagne vers l’Angleterre par le régime nazi d’Hitler. En 1934, déçu par le rapprochement entre la Russie qui dénonçait le colonialisme et la France, puissance coloniale, il quitte l'Internationale communiste et le Parti Communiste des États-Unis. Il reste cependant socialiste. Il veut retourner aux Etats-Unis, mais l’accès lui est refusé. Il s’installe à Paris, puis à Londres où il soutient les mouvements indépendantistes africains. Il parvient à retourner aux Etats-Unis où il fait la rencontre de Kwame Nkrumah. En 1935 quand l’Italie annexe l’Ethiopie, avec les autres figures noires, Padmore met sur pied l'International African Friends of Abyssinia pour protester contre l'invasion de l’Ethiopie. La campagne échoue, puisque l’Italie maintient sa domination sur l’Ethiopie. Padmore écrit dans plusieurs journaux de défense des droits des noirs, parmi lesquels The crisis de William Du Bois.
En 1945, il est l’un des principaux organisateurs du Congrès panafricain de Manchester. Après la seconde guerre mondiale, Padmore crée l'agence de presse panafricaine, et continue d'écrire pour des journaux du monde noir. Il devient alors secrétaire générale de la fédération panafricaine, qui continue à s'impliquer dans les problèmes locaux et internationaux en Afrique et au sein de la diaspora noire. Il rédige plusieurs ouvrages parmi lesquels Panafricanism or communism où il critique les Etats impérialistes qui utilisent l’étiquette communiste pour discréditer les mouvements panafricanistes. Quand le Ghana devient indépendant, Kwame Nkrumah le nomme conseiller aux affaires africaines. Il contribue à l'organisation de la conférence panafricaine d’Accra de 1958. Il est élu secrétaire général de la All African Peoples Conference et s’emploie à tenter d'unir les pays africains contre l’impérialisme et à dénoncer les religions et les rivalités ethniques comme facteurs de divisions. Il meurt le 23 septembre 1959 et est enterré en octobre avec des funérailles nationales.
3- Sylvester Williams
Henry Sylvester-Williams nait le 15 février 1869. D’autres sources situent sa naissance plutôt en 1867 en Barbade. Il rencontre le prince Koffi du royaume ashanti qui lui raconte la situation triste des ghanéens sous domination anglaise. Sylvester Williams est profondément touché, et réagit à cette souffrance ainsi qu’à celle des noirs dans les Amériques et les Antilles. Sylvester Williams grandit au Ghana. Il retourne à Trinidad, et travaille comme enseignant. Puis il continue ses études aux Etats-Unis et au Canada. Il poursuit ses études en Angleterre au collège des rois, avant que ce collège ne ferme ses portes aux noirs en 1894.
Il est de la classe moyenne. En tant que descendant d’esclave, beaucoup de portes lui sont fermées dans sa carrière professionnelle. En 1897 est créée l’association des africains, ayant pour objectifs l’unité et l’amitié entre les africains en général, la promotion et la protection des intérêts des descendants d’Afrique dans les colonies britanniques et autres endroits d’Afrique, la diffusion des informations sur tout ce qui affectent les droits et les privilèges des africains dans l’empire britannique. Sylvester Williams est le secrétaire général de cette association. L’association révèle au monde les atrocités de l’Angleterre dans les colonies anglaises et exige les réparations. Elle organise des rencontres publiques et des manifestations publiques. L’association devient très populaire.
William Dubois engage une série de voyages pour rencontrer les plus influentes personnalités noires de l’époque pour discuter avec eux du sort de leur race, et de ce qu’ils envisagent pour le devenir de cette race. Après cette série de voyages, une grande conférence panafricaine réunissant les personnalités noires les plus influentes est programmée. Sylvester Williams est le principal organisateur de cette conférence. Pour la première fois, sous l’impulsion de Sylvester Williams et autres panafricanistes, les plus grandes personnalités nègres se réunissent pour réfléchir, penser le devenir de leur race. Il décède le 26 mars 1911
4- Edward Blyden
Edward Wilmot Blyden naît le 3 août 1832 à Saint-Thomas, une île des Caraïbes. En mai 1850, le révérend Knox remarque la capacité intellectuelle hors du commun de Blyden et le recommande à l’école de théologie. Mais sa candidature est refusée. Il se rend aux Etats-Unis pour poursuivre ses études et se rapproche de l'American Colonization Society qui le convainc de poursuivre ses études au Liberia afin d’apporter sa contribution à la grandeur de l’Afrique. Blyden migre pour Monrovia. Entre 1852 à 1856, il suit les cours de théologie, de latin, de grec, de mathématiques, de géographie et d'orthographe à Monrovia. Dans les années 1860, il est nommé commissaire du gouvernement du Liberia pour les États-Unis. Blyden se rend aux États-Unis afin d'attirer des investissements pour le Libéria.
En même temps qu’il fait ce travail, Blyden rédige des ouvrages. Il rend hommage à plusieurs personnalités noires célèbres. Il montre leur contribution au monde. Il rappelle également le rôle de l'Afrique comme le « berceau de la civilisation ». Lors de son séjour en Égypte, Blyden s'émerveille de son passé millénaire des noirs. En 1872, il lance un journal intitulé The Negro, visant à consolider les liens entre tous les Africains. Il demande à ses frères de race de ne pas se sous-estimer face aux blancs. Il prône l’égalité entre toutes les races. Il s’attaque aux concepts dévalorisants que les noirs utilisent pour se qualifier. Il quitte le christianisme.
Contrairement aux autres panafricanistes qui se sont battus contre les lois injustes en Amérique et dans autres endroits de la diaspora, Blyden demande aux Noirs de rentrer en Afrique construire le modèle africain. Pour lui, le salut des noirs est en Afrique et nulle part ailleurs.
5- Antenor Firmin
Joseph-Anténor Firmin est né au Cap Haïtien en 1850. D'origine modeste, élève assidu et dur à la tâche, il commence à enseigner à l’âge de 17 ans. Il est titulaire d’une Licence es lettres de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l'Université de Paris. Il est également Diplômé d'Etudes Supérieures d'histoire (Sorbonne) et de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. En plus de ces disciplines, il étudie les mathématiques qui lui permettront de s’orienter vers la comptabilité commerciale. Il étudie aussi le Droit à l’université, ce qui lui permet d’exercer plus tard comme avocat. Antenor Firmin est un autodidacte. Il a eu l’essentiel de ses connaissances par ses propres recherches. Il travaille comme comptable pour le service des douanes d’Haïti, puis pour une maison de commerce. En 1875, il est agent percepteur de la commune du Cap, tout en donnant des cours de grec, de latin et de français dans un établissement privé. Il écrit et parle le français, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, l’italien, le grec et le latin et possède des connaissances d'un caractère encyclopédique.
Au XIXe siècle, l’Europe est assez forte pour dominer le monde entier. Pour que cette domination soit facilement acceptée par les peuples qu’elle s’apprête à dominer, l’Europe a besoin de les détruire psychologiquement avant d’engager leur destruction physique. Elle a besoin de justifier sa domination sur les autres peuples. Elle considère alors sa race et sa culture comme supérieure aux autres et se donne pour mission de civiliser les autres races. Certains penseurs européens élaborent les théories de l’inégalité des races, affirmant la supériorité de la race blanche sur les autres. Parmi eux, Gobineau publie son Traité de l’inégalité des races. Anténor Firmin s’oppose à cette violence symbolique de l’Europe. Il procède à une critique des thèses de Gobineau. En 1885, il publie son traité De l’égalité des races humaines, en réponse aux thèses racistes des européens tels que Gobineau. L’ouvrage de Firmin a été la seule réplique scientifique aux 26 thèses de Gobineau. Dès sa parution, son livre a été tellement dérangeant pour le milieu blanc qu’il a été ignoré dans les milieux cultivés. Ce livre a été réédité en 2004 par les éditions l’Harmattan.
Anténor Firmin entre en politique en intégrant le parti libéral d’Haïti. Dans ce cadre, il fonde le journal « Le Messager du Nord ». En juin 1883, il est envoyé à Caracas par le président Salomon pour les fêtes du centenaire de Bolivar. Mais ses idées et celles du président Salomon entrent en contradiction. Il refuse les postes ministériels que lui propose le président Salomon et s'exile à Paris où il devient membre de la Société d'Anthropologie. En 1888, il retourne à Haïti et participe activement aux événements qui renversent le président Salomon. L’année suivante, il est nommé ministre des Finances et des Relations extérieures par le président Florville Hyppolite. Il se distingue par ses compétences, ses pratiques et son honorabilité. Il réorganise les administrations qu'il dirige, notamment celles des douanes et de la Banque Nationale, diminue les taux d'intérêt, ce qui facilite la reprise rapide des affaires. Cette croissance augmente la popularité d’Anténor Firmin dans le pays, attirant en même temps la colère de ses adversaires.
Les Etats-Unis d’Amérique ont des visées coloniales vis-à-vis d’Haïti et Firmin s’en méfie. Les Etats-Unis essayent d’installer leur base navale à Haïti, au Môle Saint Nicolas, point stratégique pour le contrôle du Canal de Panama et de tout le bassin caribéen. Anténor Firmin s’oppose et empêche l’installation de cette base. Cette réussite est aussi le fait de la pression de certains noirs des Etats-Unis qui se sont opposés à l’installation de la base navale. En 1891, le président Hyppolite durcit son régime, ce qui amène Anténor Firmin à quitter le cabinet ministériel pour se retirer en France. La même année, il publie à Paris l’ouvrage Haïti au point de vue politique, administratif et économique. Dans cet ouvrage, il répond aux critiques émises par son successeur au ministère des finances d’Haïti. À Paris, il multiplie les contacts avec les milieux latino-américains et adhère au panafricanisme. Avec l’arrivée au pouvoir du président Sam en 1896, Firmin est rappelé comme ministre des Finances et des Relations extérieures, mais la chambre s’oppose à lui et il est renversé au cabinet ministériel. Firmin repart en exil.
L’affaire Lüders éclate en Haïti. Le riche commerçant allemand Lüders brutalise un policier haïtien. Il est jugé par la justice haïtienne et condamné. L’Allemagne réagit et mobilise deux canonnières non loin de la capitale haïtienne Port-au-Prince. L’Allemagne donne à la République haïtienne un ultimatum exigeant une indemnité de 2000$ comme frais de réparation. Toutes les puissances internationales suivent l’affaire pour mesurer la force d’Haïti et voir si le pays peut être colonisé. A cette période de la fin du XIXe siècle, presque tous les pays du monde ont été colonisés. Les quelques pays qui n’ont pas encore été colonisés sont menacés de l’être et tout acte de faiblesse d’un pays peut entrainer sa colonisation. Le président haïtien Sam cède à l’ultimatum allemand. Anténor Firmin voit en cet acte diplomatique un problème racial : « Quoi qu'on fasse, qu'on en parle tout haut ou qu'on veuille la voiler sous des subtilités sournoises, la question de la race domine fatalement le problème de la destinée d'Haïti. » L’orgueil et l’excès de zèle d’Anténor Firmin suscite la colère des grandes puissances engagés dans la colonisation du monde. Ces puissances voient en lui un obstacle à leur entreprise. La suite de sa carrière politique sera compliquée.
Firmin rentre en Haïti en 1902, au moment de la chute du président Tirésias Simon Sam. Ses partisans, appuyés par le général Nord-Alexis et l'amiral Killick entrent dans le gouvernement provisoire dirigé par Adolphe Boisrond-Canal. Firmin se prépare alors à l'élection présidentielle. Sa victoire à cette élection ne fait l’objet d’aucun doute. Mais les ambitions personnelles de Nord-Alexis le poussent à se retourner brutalement contre Anténor Firmin et à déclencher une sanglante guerre civile. Le président provisoire Boisrond-Canal se range au côté de Nord-Alexis, dénonce Killick. Les Etats-Unis d’Amérique également se rangent du côté de Nord-Alexis et combattent les révolutionnaires d’Anténor Firmin. Les pressions internationales se multiplient contre Firmin, lui demandant de mettre un terme à la guerre civile. L’Allemagne entre aussi dans la crise en prenant position contre les partisans d’Anténor Firmin. Elle tente d’arrêter l’Amiral Killick, le principal soutien d’Anténor Firmin, mais Killick préfère se suicider en coulant son navire. Cette perte porte un coup dur aux partisans de Firmin, qui est forcé de négocier. Il repart en exil en octobre 1902 et Nord-Alexis devient le président d’Haïti.
La situation économique se dégrade sous la présidence de Nord-Alexis. Les menaces d’une invasion étrangère du pays s’accentuent. A plusieurs reprises, les navires français et allemands menacent de bombarder la capitale haïtienne Port-au-Prince. Ne contrôlant pas la situation du pays, Nord-Alexis instaure un régime de terreur, particulièrement sur les populations les plus pauvres. Firmin de son côté tente de se rapprocher des Etats-Unis d’Amérique, mais continue d’appeler à la méfiance contre les prétentions impérialistes des Etats-Unis d’Amérique sur Haïti. Croyant Bénéficier du soutien des Etats Unis d’Amérique, ses partisans tentent un coup de force contre Nord-Alexis pour prendre le pouvoir, mais l’aide américaine promise n’arrive pas et ses partisans sont écrasés. Les chefs de l'insurrection sont fusillés. Après la perte de l’amiral Killick et de sa flotte, Firmin vient de perdre les principaux chefs de son mouvement. Il ne se relèvera pas de cette perte. En 1908, Antoine Simon remplace Nord-Alexis à la présidence d’Haïti et rappelle Anténor Firmin, mais craint de l’avoir trop près de lui. Il le nomme ministre et l’envoie à La Havane, puis à Londres. Firmin ne rentrera plus en Haïti. Il s'installe à Saint Thomas, où il publie plusieurs lettres dans lesquelles il met en perspective la construction d’une vaste confédération des Antilles pour résister aux prétentions impérialistes des grandes puissances de l’époque. Il redoute surtout l’impérialisme des Etats-Unis d’Amérique qui s’apprêtent à coloniser le reste de l’Amérique. Anténor Firmin meurt en 1911.
6- Benito Sylvain
Benito Sylvain est né le 21 mars 1868 à Port-de-Paix. Il fait ses études à Paris. Après son baccalauréat, il fait des études de droit et obtient une licence. Entre 1889 et 1890, il est secrétaire à la légation de Haïti à Londres. En 1890, il devient journaliste et fonde à Paris un journal appelé La Fraternité où il défend les intérêts d’Haïti et de la race noire. En 1893, il assiste au congrès antiesclavagiste de Bruxelles. Il essaie d’organiser les étudiants haïtiens en France en fondant en 1894 le cercle de l’union fraternelle dont son journal la Fraternité devient la tribune d’expression. En 1897, il part pour l’Éthiopie qui vient de remporter la bataille d’Adoua face au colonialisme italien et rencontre le roi d’Ethiopie Ménélik II. Avec Menelik II, il parle du sort des noirs à travers la planète et de la nature des rapports avec l’occident impérialiste.
En 1901, il soutient sa thèse intitulée Du sort des indigènes dans les colonies d’exploitation. Il retrace l’histoire de la traite et de l’esclavage moderne. Il accuse les Anglais et les Allemands d’être revenus sur le principe de l’abolition en colonisant l’Afrique, dénonce le sort qui est fait aux africains dans les colonies d’exploitation, la montée en puissance du préjugé de couleur dans des nations européennes. Il s’attaque aux missionnaires catholiques qui ont trahi, selon lui, la cause antiesclavagiste. Il se déclare être le représentant des Africains et Afro-descendants colonisés par la France.
Il meurt le 3 janvier 1915.
Conclusion
La force du panafricanisme repose sur la détermination et le travail des hommes et des femmes qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Sans ces leaders déterminés, le panafricanisme serait resté une idée saugrenue. Grâce à ces hommes et femmes, le panafricanisme s’est imposé comme la principale philosophie de développement de l’Afrique. Même s’ils ne se sont pas accordés sur la nature de la nation qu’ils se battaient pour construire, ils étaient unis sur la nécessité de cette nation. Tous ont fait de grands sacrifices pour faire avancer l’idéologie panafricaine. Mais ils ne se sont pas arrêtés aux réflexions. Ils ont tenté de s’organiser pour rendre cette nation africaine unie effective. Ils auraient pu réussir si la France ne s’était pas interposé à leur projet, en sélectionnant des traitres africains comme Houphouët Boigny, Léopold Sédar Senghor, Ahmadou Ahidjo et bien d’autres, et en les dressant contre le projet panafricaniste mondial.
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