Histoire des partis politiques en Afrique à la période coloniale
Introduction
Le parti politique, en tant qu’institution organisée pour la conquête et l’exercice du pouvoir, est apparu tardivement en Afrique. Sa naissance est étroitement liée aux agressions impérialistes, aux transformations sociales provoquées par la colonisation et à la lente montée de la conscience nationale. Dans un premier temps, très peu de partis politiques ont vu le jour avant la Seconde Guerre mondiale. Puis, sous l’effet du contexte international et des luttes sociales, le phénomène s’est amplifié après 1945. Cette dynamique reste toutefois marquée par les stratégies coloniales et la dépendance vis-à-vis des métropoles, ce qui limitera profondément les partis politiques africains dans leur action émancipatrice.
I- Les origines et la naissance des premiers partis politiques avant 1945
1) Un contexte dominé par l'agression impérialiste et la domination coloniale
Le parti politique en Afrique apparaît avec la colonisation européenne, qui bouleverse les structures sociales et politiques traditionnelles. Avant cette période, la chefferie et les sociétés lignagères constituaient les principales formes d’organisation du pouvoir. C’est le choc des impérialismes et l’administration coloniale directe ou indirecte qui poussent, progressivement, à la naissance d’organisations politiques modernes.
2) De rares partis avant la Seconde Guerre mondiale
Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, très peu de partis politiques africains avaient vu le jour. Parmi eux, on peut citer :
Le True Whig Party fondé au Libéria en 1860, dans un contexte particulier où le Libéria était déjà indépendant.
L’African National Congress (ANC) d’Afrique du Sud, créé en 1912 pour défendre les droits politiques des populations noires face à la domination blanche.
Le Destour en Tunisie en 1920, qui milite pour une plus grande autonomie vis-à-vis de la France.
Le Parti socialiste sénégalais, fondé en 1930 par Lamine Gueye.
Ces partis restaient très minoritaires, souvent urbains et élitistes, sans véritable ancrage populaire. Ils n’étaient pas encore porteurs d’une revendication explicite d’indépendance.
II- L’essor et les contradictions des partis politiques africains après 1945
1) Un contexte nouveau et l’autorisation de la représentation
Après la Seconde Guerre mondiale, les puissances coloniales sont affaiblies et confrontées à la pression internationale et interne. Pour calmer les revendications, elles autorisent la participation des colonies aux assemblées métropolitaines. Les élections coloniales deviennent un instrument de contrôle, mais aussi une opportunité pour les élites africaines.
Les premiers partis politiques africains autorisés sont souvent de simples relais locaux des partis de la métropole : leur objectif principal est d’obtenir la représentativité, l’égalité de droits et plus de pouvoirs pour les leaders africains, sans remettre en cause le cadre colonial.
2) La naissance de partis sur base ethnique et régionale
Parallèlement, se créent aussi des partis à base ethnique ou régionale, parfois encouragés par les colons pour diviser le mouvement national :
Le Northern Peoples Congress au Nigeria, exprimant les intérêts des élites du Nord.
Le Mouvement d'émancipation du peuple Hutu au Rwanda.
Les partis politiques servent de relais locaux et concurrencent les chefs traditionnels, qui jusque-là servaient d’intermédiaires au pouvoir colonial.
3) Les partis politiques et la contestation de la chefferie traditionnelle
Avec l’apparition de partis plus combatifs, comme le Parti Démocratique de Guinée (PDG), les chefs traditionnels perdent progressivement leur rôle politique. Le PDG combat la chefferie qu’il considère comme un instrument du colonialisme. Le parti politique devient alors le principal lieu de la contestation et de la revendication. Le pouvoir traditionnel finit par se soumettre au parti politique qu'il ne peut pas contrôler puisqu'il dépasse son cadre du pouvoir traditionnel.
4) De la dépendance à la volonté d’autonomie des partis africains
Au départ, la vie politique se déroule en métropole : les partis africains se constituent pour peser dans le parlement colonial et restent dépendants des partis métropolitains. Mais en 1946, sous l’impulsion de Houphouët Boigny, est créé le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), qui regroupe les partis francophones et cherche à limiter cette dépendance.
Toutefois, sous la pression française et par peur d’être accusé de séparatisme, Houphouët Boigny finit par collaborer avec la France, trahissant ainsi la logique de rupture.
5) Le refus de la trahison
Cette trahison d'Houphouët Boigny provoque des tensions :
L’Union des Populations du Cameroun (UPC) quitte le RDA et adopte une ligne indépendantiste. Elle prône l' indépendance des pays africains vis-à-vis de la France et non une collaboration avec elle.
Au Soudan français, Modibo Keïta critique la collaboration, tandis que Mamadou Konaté la soutient.
La FEANF (Fédération des Étudiants d'Afrique Noire en France) critique sévèrement les leaders politiques d'Afrique noire française parce que ces leaders ne posent pas à la France la question de l' indépendance.
En Afrique francophone, seules des organisations comme l’UPC et la FEANF réclament clairement l’indépendance. Même Sékou Touré se limite d’abord à prôner un fédéralisme avec la France. Les critiques de la FEANF créent un clivage entre les intellectuels Africains et les partis politiques africains. Les intellectuels sont progressistes alors que les leaders politiques sont conservateurs de l' ordre colonial.
*6) Des partis politiques pris de court par l'indépendance*
Lorsque De Gaulle propose en 1958 la communauté franco-africaine, tous acceptent, sauf Sékou Touré. C’est De Gaulle qui introduit la possibilité de refuser la communauté et de prendre l’indépendance, ce qui surprend des partis politiques qui n’avaient jamais formellement demandé l’indépendance.
Ces partis politiques, mal préparés, sont pourtant présentés comme les « pères de l’indépendance ». Ils héritent d’un pouvoir sans vision claire, ce qui va conduire rapidement à des régimes autoritaires et au chaos dans nombre de pays africains.
7) Les deux grandes familles politiques en Afrique
Face à la domination coloniale, deux grandes familles politiques se créent. D'une part, minoritaires, les partis politiques qui revendiquent l' indépendance. Ces partis sont combattus par les colons. Il s'agit de l' UPC au Cameroun, du MNC de Patrice Lumumba au Congo, ou du CPP de Kwame Nkrumah. Ces partis politiques sont combattus, brimés. D'autre part, nous avons les partis collaborateurs, qui cherchent à tirer profit de la situation coloniale. Beaucoup de ces partis sont créés par les colons eux-mêmes pour contrer les partis indépendantistes. Parmis ces partis, nous avons le PDCI d'Houphouët Boigny, bref, l' essentiel des partis politiques de l' Afrique noire francophone.
8) Des trajectoires contrastées selon les aires coloniales
En Afrique francophone, les partis, trop liés aux partis français, manquent d’une culture politique d’indépendance et seront pris de court.
En Afrique anglophone, des leaders comme Kwame Nkrumah et la lutte de l’ANC en Afrique du Sud favorisent une dynamique indépendantiste plus affirmée.
Dans les colonies portugaises (Guinée-Bissau, Angola, Mozambique), les partis doivent recourir à la lutte armée, ce qui les prépare davantage aux réalités du pouvoir.
Conclusion
En Afrique coloniale, les partis politiques sont nés tardivement, d’abord comme relais des intérêts africains dans le cadre colonial. Longtemps dépendants des métropoles, ils ont réclamé l’égalité de droits plus qu’une rupture radicale. À partir de 1945, certains partis et mouvements étudiants plus décisifs, comme l’UPC et la FEANF, ont posé la question de l’indépendance. Toutefois, la plupart des leaders et partis politiques ont été surpris par l’indépendance, obtenue souvent sans véritable préparation. Cette absence de vision et de projet commun a contribué aux crises politiques et aux dérives autoritaires de l’Afrique post-coloniale. L’histoire des partis politiques africains à la période coloniale nous enseigne ainsi les limites d’une lutte politique enfermée dans les cadres imposés par les puissances coloniales.
Avez-vous bien lu ce cours ? Répondez aux questions suivantes :
1) Quand apparaissent les premiers partis politiques en Afrique ?
A) À l’époque précoloniale
B) Après les indépendances
C) À l’époque coloniale
D) Dès l’antiquité
2) Qu’est-ce qui a favorisé la naissance des partis politiques en Afrique ?
A) L’influence des chefs traditionnels
B) L’arrivée des missionnaires
C) L’agression impérialiste et la colonisation
D) Les religions africaines
3) Avant la Seconde Guerre mondiale, les partis politiques africains étaient surtout :
A) Nombreux et puissants
B) Ruraux et populaires
C) Urbains et élitistes
D) Interdits par la loi coloniale
4) Quel est le plus ancien parti politique africain cité dans le cours ?
A) ANC (Afrique du Sud)
B) True Whig Party (Libéria)
C) Destour (Tunisie)
D) RDA
5) En quelle année a été créé l’ANC en Afrique du Sud ?
A) 1860
B) 1912
C) 1946
D) 1958
6) Quel parti tunisien est créé en 1920 ?
A) Destour
B) RDA
C) PDG
D) UPC
7) Après 1945, pourquoi les colonisateurs autorisent-ils la création de partis politiques ?
A) Pour préparer l’indépendance immédiate
B) Pour renforcer les chefs traditionnels
C) Pour calmer les revendications et mieux contrôler la population
D) Pour développer l’agriculture
8) Les premiers partis politiques africains après 1945 étaient souvent :
A) Révolutionnaires et indépendantistes
B) Détachés des métropoles
C) Des relais des partis politiques métropolitains
D) Complètement clandestins
9) Parmi ces partis, lequel avait une base essentiellement ethnique ?
A) PDG (Guinée)
B) Northern Peoples Congress (Nigeria)
C) RDA
D) ANC
10) Quel rôle jouait la chefferie traditionnelle face aux partis politiques ?
A) Elle était toujours opposée aux colons
B) Elle disparaît complètement avant 1945
C) Elle servait d’intermédiaire au pouvoir colonial
D) Elle contrôlait directement tous les partis
11) Quel mouvement est créé en 1946 sous l’impulsion de Houphouët Boigny ?
A) UPC
B) PDG
C) RDA
D) FEANF
12) Pourquoi Houphouët Boigny finit-il par collaborer avec la France ?
A) Par peur de la répression
B) Pour obtenir des armes
C) Pour organiser la lutte armée
D) Pour créer une université africaine
13) Quelle organisation étudiante critique fortement les leaders politiques africains ?
A) UPC
B) FEANF
C) PDG
D) ANC
14) En Afrique francophone, quels partis réclament clairement l’indépendance ?
A) RDA et PDG
B) FEANF et UPC
C) ANC et Northern Peoples Congress
D) Destour et True Whig Party
15) En 1958, qui refuse la communauté franco-africaine et choisit l’indépendance ?
A) Houphouët Boigny
B) Modibo Keïta
C) Sékou Touré
D) Félix Moumié
16) Que fait De Gaulle qui surprend les partis politiques africains ?
A) Il supprime tous les partis
B) Il propose la possibilité de prendre l’indépendance
C) Il nomme des Africains ministres
D) Il abolit le code de l’indigénat
17) Pourquoi les partis politiques africains sont-ils pris de court par l’indépendance ?
A) Parce qu’ils étaient interdits
B) Parce qu’ils vivaient essentiellement en exil
C) Parce qu’ils n’avaient jamais réclamé officiellement l’indépendance
D) Parce qu’ils étaient trop nombreux
18) Quelle conséquence a eu cette impréparation des partis politiques ?
A) Une stabilité durable
B) La création immédiate d’une union africaine
C) Le chaos et les régimes autoritaires
D) La disparition totale des partis politiques
19) En Afrique anglophone, la dynamique indépendantiste est plus affirmée grâce à :
A) Sékou Touré
B) Houphouët Boigny
C) Kwame Nkrumah et l’ANC
D) Modibo Keïta
20) Dans les colonies portugaises, comment se déroule la lutte pour l’indépendance ?
A) Par des pétitions
B) Par des négociations pacifiques
C) Par la lutte armée
D) Par référendum
Réponses aux questions :
1‑C,
2‑C,
3‑C,
4‑B,
5‑B,
6‑A,
7‑C,
8‑C,
9‑B,
10‑C,
11‑C,
12‑A,
13‑B,
14‑B,
15‑C,
16‑B,
17‑C,
18‑C,
19‑C,
20‑C